Améliorer le prélèvement fiscal au Bénin sans créer de «ras-le-bol fiscal»

Améliorer le prélèvement fiscal au Bénin sans créer de «ras-le-bol fiscal»

L’impôt s’est imposé au fil du temps comme le procédé le plus adéquat susceptible de fournir des moyens d’action aux pouvoirs publics. Il joue aujourd’hui un rôle primordial dans la mise en œuvre des politiques publiques. Instrument de solidarité nationale, il est largement admis que l’instrument fiscal est également utile pour l’économie et la société à divers titres, notamment par son impact sur l’investissement, la croissance, l’autonomisation des femmes, la protection de l’environnement et la justice sociale…

Les normes de transparence fiscale sont ainsi au service de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Dans certaines conditions, les instruments internationaux de mise en œuvre de la transparence fiscale peuvent être utilisés à des fins non fiscales, notamment dans la lutte contre les autres formes de flux financiers illicites.

Avec la synergie entre la transparence fiscale et les normes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, il est de plus en plus établi le lien entre l’impôt et la lutte pour la transparence fiscale. Les principes du G20 sur la transparence enjoignent aux pays de veiller à ce que les autorités compétentes (y compris les autorités fiscales) disposent en temps utile d’informations adéquates, exactes et actuelles concernant la propriété effective des personnes morales ».

Adosser la légitimité de l’impôt à des institutions politiques effectivement représentatives

Dans toute démocratie, la levée de l’impôt est conditionnée par le vote de la représentation nationale. À travers son autorisation formelle, il s’agit de faire en sorte que les citoyens via leurs représentants, puissent choisir souverainement et démocratiquement les ressources qu’ils souhaitent consacrer à leurs projets communs : emploi, formation, retraites, inégalités, santé, développement durable, etc.

On comprend dès lors les dispositions de la Constitution béninoise qui attribuent à la représentation nationale en son article 96, le droit de consentir à l’impôt. En conséquence, c’est parce que le prélèvement fiscal aurait été autorisé par des représentants de la Nation, issus de l’expression populaire que l’impôt sera accepté en dépit des réticences et résistances sociales. La légitimité de l’impôt, ressource principale de financement du budget national, repose in fine, sur l’intervention pratiquement nécessaire d’un parlement, effectivement représentant de tous les contribuables.

Atteindre un seuil minimal de prélèvement sur le PIB pour espérer financer les activités économiques et sociales essentielles

Le classement des pays selon l’indice de développement humain (IDH) qui permet d’évaluer le niveau de développement des pays en se fondant non pas sur des données strictement économiques, mais sur la qualité de vie de leurs ressortissants positionne le Bénin dans la catégorie des pays de faible niveau pour l’année 2021. Avec un rang au niveau mondial de 166 sur 191 pays et un rang africain de 30 sur 53 pays, le score attribué au pays le range parmi les pays à développement humain faible. Ce score confirme la nécessité de poursuivre les efforts de mobilisation des ressources pour élever le score du Bénin.

Il incombe au premier chef, aux pouvoirs publics de chaque pays, de lever les fonds publics nécessaires au financement des activités économiques et sociales essentielles (ODD 7.1.). La démonstration de la capacité des pouvoirs publics à initier et gérer les politiques publiques passe par un renforcement des efforts de mobilisation des ressources nationales.

La Banque Mondiale rappelle la nécessité pour les États d’atteindre le seuil de 15 % du PIB en impôt et de s’y maintenir pour être en mesure de fournir les services publics élémentaires à leurs habitants. Au regard des défis spécifiques à la zone, l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) prescrit aux États membres d’atteindre un taux de prélèvement fiscal de 20% du Produit intérieur brut (PIB). Seulement, les pays ont du mal à atteindre ce seuil. En 2020, ce taux au Bénin était moins de 10%. Il existe donc des marges de manœuvre pour accroître les capacités de financement de l’État.

Avec un rang au niveau mondial de 166 sur 191 pays et un rang africain de 30 sur 53 pays, le score attribué au pays le range parmi les pays à développement humain faible. Ce score confirme la nécessité de poursuivre les efforts de mobilisation des ressources pour élever le score du Bénin

Il faut donc renforcer la capacité de l’État à exercer son pouvoir fiscal. Cette prérogative est compromise par la proéminence de l’économie informelle et la subsistance de pesanteurs d’ordre sociologique. Mais il existe d’autres facteurs liés à la fraude et l’évasion fiscales internationales. Selon Agence Ecofin, 211 millions de dollars US de bénéfices soit plus de 140 milliards de francs CFA ont été illégitimement transférés du Bénin en 2021. Ce problème d’évasion fiscale est un problème international.  un problème international doit recevoir des solutions internationales.

Utiliser les instruments internationaux visant à lutter contre l’évasion fiscale

Face au caractère transfrontalier de l’évasion, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et bien d’autres organisations internationales ont pris des initiatives visant à instituer une nouvelle gouvernance fiscale internationale.  C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting ou encore Érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices) initié en 2013, qui propose des actions détaillées à destination des États.

Ces actions servent d’instruments nationaux et internationaux visant à lutter contre l’évasion fiscale en s’assurant que les profits soient taxés à l’endroit même où ceux-ci sont générés et où a lieu la création de valeur. Plus récemment, un accord signé toujours dans le cadre de l’OCDE en 2021 et approuvé par 136 pays permet une répartition plus équitable du pouvoir de perception de l’impôt et un acquittement plus juste par les plus grandes et plus rentables multinationales.

En adhérant et en participant à toutes ces initiatives, le Bénin entend déployer l’arsenal nécessaire pour contenir la fraude et l’évasion fiscales qui pèsent lourdement sur la mobilisation des ressources fiscales tout en constituant une menace pour le « contrat social ».

Accroître la disponibilité des citoyens au paiement de l’impôt grâce à une meilleure gouvernance fiscale

De façon générale, les Béninois affichent un fort soutien pour le paiement des impôts afin que le pays se développe et reconnaissent le droit du gouvernement de percevoir des impôts (enquête Afrobaromètre 2018). Paradoxalement, ils développent une forte résistance au paiement. Près de 50 % de la population au Bénin, Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Togo, estiment qu’il est normal ou compréhensible de ne pas payer ses impôts.

Pour inverser cette prédisposition à l’incivisme fiscal, il est nécessaire que la fonction financière de l’administration fiscale se combine avec une nouvelle gouvernance fiscale. Il s’agit d’améliorer le système de prélèvement grâce à une accélération de la simplification des procédures, des progrès dans le fonctionnement de l’administration fiscale et la poursuite de la modernisation de la législation.

Cimenter la confiance des citoyens dans les systèmes fiscaux

Si par principe l’impôt est sans contrepartie déterminée, il est destiné à couvrir les charges publiques. Pour les citoyens qui s’acquittent de gré ou de force de l’impôt, la concrétisation de cette couverture des charges doit se manifester par la fourniture de services élémentaires tels que l’accès à l’eau, à l’énergie, à l’éducation et autres infrastructures de base. Ils veulent aussi s’assurer que l’argent public est bien géré et que la société est en mesure de demander compte à tout agent public impliqué dans sa gestion. Tout ceci est de nature à cimenter la confiance des citoyens dans les systèmes fiscaux.

Les défis fiscaux ne peuvent être valablement relevés sans tenir compte de l’impact de la gouvernance politique sur la bonne tenue des recettes publiques. S’il est établi que la démocratie n’est pas une entrave au prélèvement, il semble indispensable de remettre à jour la question de l’amélioration de la gouvernance démocratique, pour espérer en tirer les dividendes sur le plan fiscal.

 


Crédit photo : lejecos.com

Ben Aymar Yêhouessi

Commenter