Typologie des stratégies d’adaptation des éleveuses de petits ruminants au nord du Bénin face au changement climatique, Revue Marocaine des Sciences Agronomiques et Vétérinaires, Avril 2022

Typologie des stratégies d’adaptation des éleveuses de petits ruminants au nord du Bénin face au changement climatique, Revue Marocaine des Sciences Agronomiques et Vétérinaires, Avril 2022

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Auteurs : E. DIMON, Y. TOUKOUROU, A.S. ASSANI, M. N. BACO,H. S. WOROGO,Y. IDRISSOU

Organisation affiliée : Revue Marocaine des Sciences Agronomiques et Vétérinaires

Type de publication : Article

Date de publication : Avril 2022

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Caractéristiques socio-démographiques des éleveuses enquêtées

La quasi-totalité des  éleveuses  interrogées  sont  du  groupe  socio-culturel  peulh (62,5%) et bariba (22,5%). Le premier groupe socio-culturel est beaucoup plus présent dans la zone subhumide alors que le second groupe est plus rencontré dans la zone sèche. Parmi les éleveuses enquêtées, très peu ont été scolarisées  (11,7%).  Le  nombre  d’éleveuses  scolarisées  de la zone tropicale sèche a été significativement supérieur à celui de la zone subhumide. De façon générale, très peu d’éleveuses enquêtées sont membres d’une organisation d’éleveuses (23,3%). Les éleveuses membres d’une organisation ont été plus présentes dans la zone subhumide que dans la zone sèche. Plus de la moitié (51,7%) des éleveuses enquêtées sont en contact avec les services de vulgarisation agricole. Il n’existe aucune différence significative entre le nombre d’éleveuses en contact avec les services de vulgarisation agricole de la zone sèche et celle subhumide. L’âge des éleveuses enquêtées a varié de 20 à 65 ans (42 ± 0,87 ans en moyenne). La taille de leur cheptel ovin était en moyenne de 12,0 ± 1,2 têtes et celle du cheptel caprin de 7,0 ± 0,72 têtes.

Groupe 1: Éleveuses de petits ruminants à stratégie d’intégration des cultures aux animaux (ICA)

L’intégration des cultures aux animaux (ICA) constitue la stratégie  d’adaptation  des  éleveuses  de  petits  ruminants  du  groupe  1  pour  faire  face  au  CC [Changement Climatique].  Cette  stratégie  a  été  développée  majoritairement  par  51,7%  des  éleveuses  enquêtées, soit 62 éleveuses. Ces éleveuses sont en majorité du groupe socioculturel Peulh (88,7%) et localisés dans la zone tropicale subhumide (75,8%). Les terres  agricoles  sur  lesquelles  ces  éleveuses  pratiquent  leurs activités sont acquises majoritairement par location (85,5%). La reproduction constitue le principal objectif de production des éleveuses de ce groupe (94,2%). Les éleveuses de ce groupe sont relativement jeunes avec un âge moyen de 42,0 ± 1,28 ans. La taille de leur cheptel ovin est en moyenne de 15 têtes et celle du cheptel caprin est de 6 têtes.

Groupe 2: Éleveuses de petits ruminants à stratégie d’intégration des cultures, arbustes et animaux (ICArA)

Pour s’adapter au CC, les éleveuses de ce groupe intègrent les cultures, les arbustes et les animaux (ICArA). Cette stra-tégie a été développé par 13,3 % des éleveuses enquêtés soit un total de 16 personnes. Ces éleveuses ont pour objectif de production, la reproduction et l’engraissement (90,8%). Elles sont majoritairement du groupe socio-cultu-rel Bariba (81,2%) et localisé dans la zone tropicale sèche (100%). Leur taux de scolarisation est semblable à celles des deux autres groupes (Tableau 2). Elles sont toutes en contact avec les services de vulgarisation agri-cole (100%), mais ne sont pas membre d’une organisation d’éleveurs.  Les  modes  d’acquisition  des  terres  agricoles  par ces éleveuses sont principalement l’héritage (50%) et l’achat  (31,2%).  Les  éleveuses  développant  la  stratégie  ICArA ont un âge moyen de 44,0 ± 2,7 ans. La taille de leur cheptel ovin est en moyenne de 16 têtes et celle du cheptel caprin de 5 têtes.

Groupe 3: Éleveuses de petits ruminants à stratégie d’alimentation  basée  sur  les  sous-produits  agro-indus-triels et les résidus de récoltes (ASPR)

Deux types de pratiques sont rencontrés dans ce groupe. Il  s’agit  de  l’utilisation  de  sous-produits  agro-industriels  (SPAI) et de résidus de récoltes dans l’alimentation des ani-maux. Ces pratiques sont qualifiées de stratégies d’alimentation basée sur les sous-produits agro-industriels et les résidus de récoltes (ASPR). Ce groupe de stratégie a  été  développé  par  35%  des  éleveuses  enquêtées  (soit  un total de 42 individus), dont l’âge moyen est de 43,0 ± 1,3 ans. Dans ce groupe, l’on rencontre les éleveuses de tous les groupes socio-culturels, ce qui n’est pas le cas avec les deux premiers groupes. Signalons que les  groupes  socio-culturels  les  plus  dominants  sont  les  peulhs (40,5%) suivi des bariba (19,0%), dendi (19,0%) et  Haoussa  (11,9%).  Le  taux  de  scolarisation  (14,3%) des éleveuses de ce groupe est semblable à celui des  éleveuses  des  deux  autres  groupes.  Dans  ce  groupe,  que l’on rencontre moins d’éleveuses (9,50%) en contact avec  les  services  de  vulgarisation  agricole.  La  majorité  des éleveuses (89,3%) qui adoptent la stratégie ASPR ne possèdent pas de terres agricoles. Elles ont pour objectif de  production  l’engraissement  des  ovins  et  caprins  dont  les tailles moyennes sont respectivement de 6 et 9 têtes.

Discussion

Plusieurs raisons pourraient expliquer  l’adoption  d’un  ou  l’autre  groupe  de  stratégie  d’adaptation par les éleveuses. L’accès aux terres agricoles constitue une première raison. En effet, la capacité des éleveuses à s’adapter efficacement aux impacts du CC dépend largement de l’accès aux ressources de base, comme la terre, qui peuvent leur permettre de répondre efficacement aux chocs climatiques en évolution. De façon générale en Afrique de l’Ouest, les décisions concernant la sélection des stratégies d’adaptation sont fortement influencées par la  possession  des  terres  agricoles.

De façon générale, très peu d’éleveuses enquêtées sont membres d’une organisation d’éleveuses (23,3%). Les éleveuses membres d’une organisation ont été plus présentes dans la zone subhumide que dans la zone sèche

Les  stratégies  ICA  et  ICArA  développées  par  les  éleveuses de petits ruminants des zones tropicales sèche et subhumide du Bénin nécessitent la possession de terres agricoles. En effet, les éleveuses pratiquant ces deux types de stratégies ont accès aux terres agricoles, mais pas de la même manière. Les éleveuses pratiquant la stratégie ICA ont accès à la terre par location, ce qui ne leur permet pas de planter des arbres sur ces terres. Par contre, les éleveuses qui  développent  la  stratégie  ICArA  ont  acquis  leur  terre  par héritage et achat, elles ont donc le droit de l’exploiter comme elles le veulent, d’où la raison pour laquelle elles ont planté des arbustes. Des droits de propriété foncière sécurisés pourraient être utilisés comme une incitation à adopter des stratégies d’adaptation, comme la plantation des arbres et/ou arbustes. Lorsque ces droits de propriété ne sont pas garantis, il y a une probabilité d’expropriation pratique de l’intégration des cultures, arbustes et animaux nécessite un régime foncier relativement sûr pour garantir que les éleveurs qui investissent des efforts dans ces pra-tiques conservent le droit d’exclure d’autres personnes de la récolte.

En effet, la capacité des éleveuses à s’adapter efficacement aux impacts du CC dépend largement de l’accès aux ressources de base, comme la terre, qui peuvent leur permettre de répondre efficacement aux chocs climatiques en évolution

L’utilisation des sous-produits agro-industriels et résidus de récolte dans l’alimentation des petits ruminants, comme stratégie d’adaptation, a été développée par les éleveuses de  cette  étude.  Ces  dernières  possèdent  rarement  des terres  agricoles.  Elles  achètent  donc  les  sous-produits agro-industriels et résidus de récolte pour alimenter leurs animaux.  Ces  animaux  sont  donc  engraissés  et  vendus  surtout en période de fête. Cette stratégie développée par les éleveuses est une stratégie à court terme.

L’objectif  de  production  constitue  une  seconde  raison  qui  pourrait  expliquer  l’adoption  d’un  ou  l’autre  groupe  de stratégie par les éleveuses. Bien que les éleveuses qui adoptent les deux premiers groupes de stratégies possèdent tous de terres agricoles, leurs stratégies diffèrent. En effet, ces éleveuses n’ont pas le même objectif de production. Les éleveuses à stratégie ICA ont un objectif plus orienté vers la reproduction alors que les éleveuses à stratégie ICArA ont un objectif orienté non seulement vers la reproduction mais aussi vers l’engraissement. La pratique de la stratégie ICA permet aux éleveuses d’avoir du fumier en abondance, ce qui leur procure des rendements très élevés par rapport aux non éleveuses et de disposer aussi de résidus de récolte pour alimenter les animaux.