Travailleurs migrants au Bénin : contexte et défis, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2019

Travailleurs migrants au Bénin : contexte et défis, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2019

Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

Auteur : Koffi Benoît SOSSOUO

Organisation affiliée : Friedrich-Ebert-Stiftung

Type de publication : Rapport

Date de publication : 2019

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BREF APERÇU DU PROFIL DES IMMIGRANTS POST-2011 AU BENIN

Dans le document du profil migratoire de 2011, un essai de périodisation des vagues migratoires au Bénin est réalisé. Il en découle que : « L’histoire migratoire du Bénin a connu quatre phases principales. Une phase précoloniale et coloniale, une phase couvrant l’indépendance et la période révolutionnaire (1960-1972), une phase allant de la période révolutionnaire à la veille de la Conférence nationale (1972-1990) et une dernière phase commençant avec la Conférence nationale de février 1990.

Cette dernière phase est celle de l’immigration vers le Bénin : entre 1992 et 2002, le nombre d’immigrants est passé de 78 000 à 156 748 en 2002. Les migrants représentaient environ 2% de la population totale du Bénin en 2002 et 5 % de la population active. Les communautés les plus nombreuses étaient les Nigériens (34,8 %), les Togolais (22,1 %), les Nigérians (20,5 %), et les Burkinabés (4,6 %) » (OIM, 2011).

Dans cette partie, il est question d’indiquer l’évolution des effectifs des immigrants, les tendances migratoires de leurs provenances et les facteurs explicatifs des flux migratoires de 2010 à 2018. Le profil est réalisé à partir des données relatives au stock des immigrants du RGPH4 et des flux récents des immigrants fournis par la DEI.

Cette dernière phase est celle de l’immigration vers le Bénin : entre 1992 et 2002, le nombre d’immigrants est passé de 78 000 à 156 748 en 2002. Les migrants représentaient environ 2% de la population totale du Bénin en 2002 et 5 % de la population active. Les communautés les plus nombreuses étaient les Nigériens (34,8 %), les Togolais (22,1 %), les Nigérians (20,5 %), et les Burkinabés (4,6 %) » (OIM, 2011)

Cet aperçu du profil migratoire présente différentes caractéristiques par rapport au profil de 2011 qu’il importe d’analyser. Les éléments du profil migratoire issus du stock des immigrants sont présentés 42 et analysés en rapport avec les éléments complémentaires des flux migratoires récents.

MANIFESTATION DES ALTERITES ENTRE SYNDICATS ET TRAVAILLEURS MIGRANTS : ENJEUX ET DEFIS

De nombreuses sources écrites sur les comportements, les attitudes et les pratiques des Béninois à l’égard des travailleurs migrants indiquent que l’altérité migratoire des communautés au Bénin est positive et enchâssée dans la marque légendaire d’hospitalité à l’égard de l’étranger (Igué, 2017; Lombard, 1960). Les regroupements syndicaux au Bénin portent les marques de cette hospitalité légendaire.

Premières formes de collaboration des Syndicats et des travailleurs migrants

Les syndicats au Bénin expriment leur connaissance des effectifs des travailleurs migrants, les enjeux et défis d’une collaboration. Selon le responsable du Réseau des Organisations Syndicales pour la défense des Travailleurs Migrants du Bénin, « la thématique des travailleurs migrants est une thématique nouvelle et pas assez explorée pour les organisations syndicales, l’exploration de cette thématique a commencé il y a deux ans sous la supervision de la CSI Afrique (Confédération syndicale internationale) et a permis la mise en place d’un réseau des organisations syndicales du Bénin pour les travailleurs migrants, ce qui a permis de nous intéresser aux travailleurs migrants » (Témoignage de Amoussou, 2019).

Si la thématique est récente la manifestation d’une altérité positive des organisations syndicales à l’égard des travailleurs migrants trouve ses racines dans l’histoire de la vie syndicale depuis la période coloniale où les premières structures syndicales ont été créées autour 90 du wharf de Cotonou.

Cette première infrastructure portuaire utilise la main d’œuvre des ressortissants de plusieurs pays de la sousrégion, le Niger et le Burkina-Faso en l’occurrence. Ainsi, de 1923 à 1937, les travailleurs du Dahomey (actuel Bénin) ont appris à militer au sein de plusieurs organisations syndicales composées à la fois des Nationaux et des travailleurs migrants du Niger et du Burkina Faso. Ces organisations syndicales sont, entre autres, du Syndicat Dahoméen des Cheminots (1937), Syndicat des Travailleurs indigènes du Bénin-Niger (1939), Syndicat National du Personnel des Cheminots Spécialisés des Fonctionnaires et des Cadres Généraux du Dahomey (1948) (Bozon, 1967).

Cet esprit de collégialité syndicale sous-régionale était favorisé entre autres par les activités présyndicales au sein de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France et par la création de l’Union Générale des travailleurs d’Afrique Noire (UGTAN). Un bref aperçu de l’histoire coloniale de la vie syndicale au Bénin montre que la prise en compte des travailleurs migrants comme partenaires des Syndicats nationaux était bien présente. Toutefois, de l’indépendance à nos jours, le souci de mieux se concentrer sur les préoccupations des travailleurs nationaux a donné l’impression de la perte de ce legs d’hospitalité envers les travailleurs migrants.

La création de la plupart des syndicats qui animent les luttes sociale et syndicales au Bénin actuellement date de la période du renouveau démocratique et émane de la conférence nationale de Février 1990 où l’option choisie est le libéralisme économique.

Maintien de l’altérité positive entre travailleurs nationaux et migrants au Bénin

L’histoire des relations entre les nationaux et les immigrants au Bénin s’inscrit dans une vieille tradition d’altérité positive à l’exception des faits de jalousie à l’égard des immigrants ayant fait fortune dans les secteurs informels. Ces comportements sont très marginaux et ne sont pas construits à l’égard spécifiquement ou par un courant idéologique ou politique contre les « étrangers ». A titre d’illustration, Adepoju (2011) a dénombré entre 1958 et 1996, 23 expulsions en masse de migrants menées par 16 différents États africains.

Le Bénin ne fait pas partie de ces Etats. En effet, il n’existe ni des documents écrits encore moins des témoignages oraux qui rapportent des actes de xénophobie envers les immigrants au Bénin. Par contre, les documents existent et montrent que les travailleurs nationaux se montrent solidaires des travailleurs migrants en provenance des autres pays en difficultés comme la République Démocratique du Congo, la République Centrafricaine et le Togo.

Les citoyens du Bénin ne montrent pas une adversité à l’égard de ces homologues du même secteur d’activités en réaction réciproque aux actions des pouvoirs publics qui ont rapatrié par le passé les travailleurs émigrants du Bénin. En effet, les travailleurs 92 émigrants du Bénin ont subi depuis 1958 à nos jours plusieurs opérations de rapatriements ciblés des Africains.

Les récits de vie de ces travailleurs émigrants, qui accompagnent ces opérations de rappariements des Béninois, sont très émouvants, douloureux et parfois révoltants dans l’opinion nationale. Ces récits devraient induire des réactions de demande de la réciprocité. Mais, l’observateur attentif des relations entre les immigrants et les autochtones au Bénin, pourrait remarquer dans la réaction des autochtones la dénonciation de la lenteur des pouvoirs publics du Bénin à porter assistances et protection à ces immigrants en situations difficiles, mais sans souhaiter ou organiser la réciprocité. L’opinion publique nationale a une tradition légendaire de discernement entre la solidarité des peuples et des travailleurs qu’elle ne confond pas aux décisions des Etats.