Rapport du Benin sur l’évaluation nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, Ministère de l’Economie et des Finances du Benin, Mai 2018

Rapport du Benin sur l’évaluation nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, Ministère de l’Economie et des Finances du Benin, Mai 2018

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Auteurs : Ministère de l’Economie et des Finances du Bénin

Type de publication : Rapport

Date de publication : Mai 2018

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Menace extérieure de blanchiment de capitaux 

La menace externe de blanchiment de capitaux est analysée à travers les infractions impliquant des juridictions étrangères et dont tout ou une partie des produits ou revenus générés sont blanchis dans le pays.

De façon générale, toutes les frontières du Bénin sont poreuses et l’appartenance du pays à la CEDEAO aggrave la situation d’autant plus qu’il n’y a pas au niveau communautaire, une vraie politique de prise en charge des problèmes de sécurité découlant de la libre circulation instituée entre les frontières des pays membres

Le Bénin est un pays membre de la CEDEAO dont le principe de base est la libre circulation des personnes et des biens. De façon générale, toutes les frontières du Bénin sont poreuses et l’appartenance du pays à la CEDEAO aggrave la situation d’autant plus qu’il n’y a pas au niveau communautaire, une vraie politique de prise en charge des problèmes de sécurité découlant de la libre circulation instituée entre les frontières des pays membres. En tant que pays côtier et de surcroît pays de transit dans la sous-région ouest-africaine, son environnement criminogène est caractérisé par plusieurs crimes transfrontaliers ou transrégionaux et parfois intercontinentaux. Ainsi, les menaces externes de blanchiment de capitaux au Bénin sont essentiellement portées par :

  • la contrebande de marchandises et le trafic de stupéfiant : ces infractions sous-jacentes sont le plus souvent commises aussi bien au Bénin que dans les pays d’origine des marchandises en cause (surtout pour les produits prohibés, la drogue par exemple) et les revenus tirés de ces activités illicites peuvent être blanchis de part et d’autre au Bénin et dans les juridictions concernées. Les pays concernés sont le Nigéria (principalement), les autres pays de la sous-région (Togo, Niger, Burkina Faso, les pays asiatiques (principalement la Chine et la Corée) ainsi que quelques pays européens et sud-américains (Brésil notamment).
  • l’abus de confiance et l’escroquerie par internet (cybercriminalité) : cette infraction est généralement commise depuis le Bénin sur une juridiction étrangère via internet avec l’utilisation de la FinTech (les produits financiers électroniques le plus souvent) et les produits perçus sont blanchis au niveau national. C’est une des menaces majeures de blanchiment de capitaux au Bénin. Les européens sont les principales victimes des cybercriminels mais l’on enregistre aussi des victimes au niveau national et sous-régional.
  • la traite des êtres humains (y compris d’organes d’être humain) : ce trafic est très répandu entre le Bénin et le Nigéria mais selon les autorités en charge de la répression de ces infractions (l’Office Central de Protection des Mineurs, de la Famille et de la Répression de la Traite des Etres Humains) le trafic d’êtres humains implique également d’autres pays (Togo, Congo, Gabon, …). Ce phénomène est aussi accentué par les pratiques occultes et le charlatanisme.
  • les infractions liées à la corruption, à la fraude (fiscale ou douanière) et au détournement des deniers publics : plusieurs études ou rapports ont montré que ces infractions sont à l’origine d’importants flux financiers illicites qui sont blanchis très souvent dans les juridictions étrangères.

La menace terroriste au Bénin

Des informations reçues des forces d’enquêtes, de poursuites pénales et des services de renseignement, il n’existe pas d’organisations, groupes ou individus terroristes spécifiques au Bénin. Aucune affaire liée au terrorisme ou son financement n’a été connue des juridictions béninoises. Cependant, l’appartenance du Bénin à la région ouest africaine où sévissent plusieurs groupes terroristes dont Boko Haram au Nigéria voisin, fait peser sur lui une sérieuse menace terroriste. C’est pourquoi, après les attaques de Ouagadougou (Burkina Faso) et de Grand-Bassam (Côte-d’Ivoire), le Bénin s’est mis en état d’alerte maximal. En effet, frontalier du Nigeria, du Burkina Faso et du Niger, le Bénin avec son image de modèle démocratique constitue une cible potentielle pour les groupes terroristes qui frappent violemment un peu partout dans la région.

Conscientes que le Bénin n’est pas à l’abri des attaques et menaces de ces réseaux terroristes qui frappent dans la sous-région, les autorités béninoises mettent fréquemment en œuvre des mesures de renforcement du dispositif sécuritaire et surtout de vigilance accrue. Même si le Bénin jouit d’une quiétude et symbolise un havre de paix dans cette région de l’Afrique de l’ouest en proie à de nombreuses attaques terroristes, le pays reste constamment en état d’alerte. Des messages de vigilance et de veille stratégique sont régulièrement adressés à toutes les forces de sécurité et à l’armée compte tenu du risque terroriste dans la sous-région, afin qu’elles renforcent la sécurité sur toute l’étendue du territoire national et soient plus vigilantes lors des fouilles aux frontières.

La menace de financement du terrorisme au Benin

Le niveau de la menace intérieure du terrorisme étant faible au Bénin, il peut paraître logique que les besoins de financement du terrorisme soient faibles ou moyennement. Mais la menace du financement du terrorisme existe car il est fort probable que des terroristes de Boko Haram et autres actuellement combattus au Nigéria, puissent utiliser le Bénin comme territoire de refuge et aussi comme un nouveau terrain d’expérimentation et de financement de leurs actes ignobles.

Les sources potentielles de financement des groupes terroristes en Afrique de l’ouest selon plusieurs rapports fournis par des organisations internationales (ONUDC, GIABA-GAFI) et d’autres sources ouvertes ainsi que les médias sont multiples : le financement pourrait provenir de sources légitimes (telles que les organisations à but non lucratif ou d’activités d’import/export) ou de sources qui impliquent une activité criminelle (telle que les trafics illicites (drogues, armes, …), la contrebande de marchandises (pétrole, véhicules d’occasion, cigarettes, métaux et pierres précieuses, …), la piraterie, la traite de personnes, le vol (de bétail ou autres, …)), les rackets, etc…

Relativement aux OBNL /ONG, le Bénin connait un accroissement incontrôlé de leur nombre. Or des études de typologie récentes du GAFI ont permis de démontrer que les terroristes et organisations terroristes exploitent ces organismes pour lever et déplacer des fonds, fournir une aide logistique, encourager le recrutement de terroristes ou autrement soutenir des organisations et opérations terroristes.

Pour ce qui concerne le financement du terrorisme à travers les fonds issus d’infractions sous-jacentes, bien que la plupart de ces infractions aient cours au Bénin, aucune donnée, aucune information ou aucun rapport national ou international n’indique que les flux financiers illicites générés sont orientés vers le financement du terrorisme. Une partie est certes blanchie comme indiqué dans le chapitre précédent mais il n’y a pas d’analyse ou d’étude de typologie permettant de déceler de façon précise et certaine, toutes les directions prises par ces importants fonds illicites ni les canaux réellement empruntés pour atteindre éventuellement les terroristes.

Au regard de tout ce qui précède, le niveau de la menace de FT est jugé moyennement faible

Cependant, des rapports bien crédibles sur le FT indiquent que les méthodes utilisées pour transférer les fonds à des fins terroristes restent les espèces (le cash) surtout en devises, les services de transfert d’agent, la monnaie électronique et dans une moindre mesure dans certains cas, les transferts bancaires qui sont utilisés pour envoyer des fonds hors de l’UMOA. Tous ces moyens de transport de fonds existent au Bénin et sont en croissance fulgurante, notamment la monnaie électronique et les transferts rapides qui souffrent des faiblesses des textes réglementaires en vigueur. Au regard de tout ce qui précède, le niveau de la menace de FT est jugé moyennement faible.

Recommandations pour la maitrise du risque de BC

  • Faire voter et promulguer la nouvelle loi uniforme de l’UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme (directive N° 02/2015/CM/UEMOA relative à la LBC/FT).
  • Elaborer un document de stratégie nationale de la politique de LBC/FT au Bénin et le faire adopter en Conseil des Ministres par le Gouvernement. Les conclusions issues de la présente ENR devra servir de base pour l’élaboration d’une stratégie nationale pour la politique de LBC/FT du pays et d’un plan d’actions dont la mise œuvre permettra de prévenir, atténuer ou éliminer les risques identifiés.
  • Concevoir et mettre en place au niveau national, un système d’infrastructure moderne d’identification fiable de toute la population, y compris des étrangers. L’indisponibilité d’une infrastructure d’identification fiable des citoyens et des étrangers qui entrent et sortent du pays constitue un sérieux handicap pour la mise en œuvre des contrôles et limite l’efficacité des enquêtes et des poursuites surtout par manque d’informations ou de données sur les bénéficiaires effectifs de certains patrimoines dans le pays.
  • Promouvoir et renforcer la coopération nationale entre toutes les structures en charge du renseignement de sorte à assurer le traitement efficace de l’information recueillie ou obtenue. Les textes d’application de la loi sur le recueil de renseignement devront rapidement être pris pour favoriser l’efficacité des enquêtes financières.
  • Créer un pôle judiciaire spécialisé dans les enquêtes et les poursuites des dossiers de crimes économiques et financiers particulièrement liés au BC/FT. La création de ce pôle dédié aux questions de la LBC/FT favorisera la formation continue des autorités d’enquêtes et de poursuites, la coopération internationale en matière d’entraide judiciaire et l’efficacité judiciaire en matière de LBC/FT.
  • Rendre la CENTIF plus opérationnelle en la dotant de moyens adéquats (matériels, logiciels, humains, financiers et de locaux adéquats et sécurisés) afin de lui permettre de jouer le véritable rôle d’une CRF de manière autonome comme recommandé par le GAFI. La CENTIF joue un rôle central dans la coopération au niveau national et au niveau international entre les différents acteurs en charge du renseignement, des enquêtes, des poursuites et de la répression des crimes financiers. Il est indispensable qu’elle dispose de ressources pour mener efficacement ses missions.

Recommandations pour la maitrise du risque de FT

Il s’agit des recommandations qui s’adressent aux pouvoirs publics. Elles viennent compléter celles formulées au point précédent.

  • Former les forces frontalières (police, douane, …) en charge de la sécurité et du contrôle sur le dispositif national de la LBC/FT et ses textes de loi. La méconnaissance des textes de loi et des dispositions relatives à la LBC/FT par les forces frontalières (police, douane, …) en charge de la sécurité et du contrôle handicape la mise en œuvre efficace des mesures de LBC/FT.
  • Doter les postes de contrôle frontaliers (police, douane, …) de ressources en personnel bien formé sur les techniques de LBC/FT, en équipements de surveillance et de contrôle modernes en vue du renforcement de la sécurisation des espaces frontaliers du pays. La porosité des frontières est un facteur réel de fragilisation de la sécurité du pays. Elle favorise plusieurs activités criminelles ou illicites surtout avec l’existence de plusieurs points de passages clandestins créés par des contrebandiers.
  • Entreprendre une étude approfondie sur les corrélations entre la pauvreté extrême dans certaines régions et les tendances à la radicalisation et l’extrémisme religieux et en tirer toutes les conséquences en vue de la prévention. L’évaluation a révélé en effet que l’extrême pauvreté pourrait constituer un terreau fertile pour le recrutement facile des jeunes par des criminels et extrémistes.
  • Faire appliquer les textes existant et les renforcer au besoin, afin de limiter la trop forte utilisation des espèces de sorte à éviter des transactions économiques non-enregistrées. Le recours systématique au cash dans les transactions facilite le BC/FT car les criminels en profitent pour œuvrer dans l’anonymat et en toute impunité.