Bergedor Hadjihou
Une lame de fond électorale. L’emprisonnement de Reckya Madougou candidate de l’opposition recalée à l’élection présidentielle pour des faits d’atteinte à la sureté de l’État a entraîné des courants soudains de réaction. Une fois de plus, l’agenda judiciaire et le calendrier électoral se sont télescopés.
Du coup, l’opportunité de la poursuite pénale mue par l’intérêt général en plein processus électoral et l’indépendance du pouvoir judiciaire sont devenues des enjeux tout aussi importants d’une élection présidentielle. Mais faudrait-il rappeler que la justice bien qu’étant appelée à fonctionner en roue libre se retrouve parfois face à des dilemmes.
Elle est aussi confrontée à certains moments à faire des choix difficiles et ce, dans un sens comme dans l’autre, au nom de l’intérêt général. L’intérêt général peut, en effet, exiger l’absence de poursuites. Il existe une dissociation de la recherche du bien de la société et de la répression, dans ce cadre.
L’opportunité de la poursuite pénale mue par l’intérêt général en plein processus électoral et l’indépendance du pouvoir judiciaire sont devenues des enjeux tout aussi importants d’une élection présidentielle
Il ne s’agit pas ici d’envisager les cas de classement technique survenus parce que la poursuite était impossible, ou bien lorsque celle-ci ne pouvait être engagée, faute d’infraction, d’auteur connu, ou de preuve. Les raisons de cette absence de poursuites, même en cas d’infraction avérée, sont sociales et politiques. En effet, l’apaisement passe parfois davantage par une renonciation à engager un procès ou par l’utilisation d’une autre voie. Inversement, l’intérêt général peut être perçu de manière classique comme justifiant la répression des infractions ou la recherche de la vérité.
A l’exemple, les contraintes de la justice pénale en matière d’administration de preuve peuvent amener les magistrats à enclencher une poursuite tant bien même que la situation socio-politique ne s’y prêterait pas. Le temps de la justice n’est pas le temps de la politique encore moins celui des hommes.
Par ailleurs, la loi n’impose pas au juge de surseoir aux interpellations en période électorale. Par contre si la justice décide de se mettre en branle en de pareilles circonstances, il a le devoir de précision et de concision. Car au bout de son action, le justiciable attend un raffermissement de la tranquillité de l’État et de l’ordre public par le jaillissement de la lumière. Une toute autre issue reviendrait à niveler par le bas.
La justice se retrouve au cœur d’une nébuleuse. Malgré son aspiration à faire ce qui est juste, le pouvoir judiciaire peut se heurter aux incompréhensions de l’opinion publique, incompréhensions dont les seules émanations sont les conduites passées des acteurs qui animent la vie politique nationale.
La justice : comment parvenir à une indépendance soutenue ?
Influencer les acteurs de la justice est une obsession pour le politique. De son côté, le magistrat cherche à « déprivilégier » l’homme politique qui lui dicte stricto sensu le cadre légal de répression des infractions alors qu’il ne respecte pas lui-même les textes par des actes de corruption et de détournement.
Dans ce mano à mano, l’image de l’homme politique est écornée lorsque des affaires doivent se solder par des non-lieux ou des peines minimes alors qu’elles ont précédemment soulevé l’indignation de l’opinion publique dans les médias. Il y a en France le cas de François Bayrou qui a dû démissionner alors qu’il était appelé à servir aux côtés du président Emmanuel Macron.
Des hommes politiques interpellés par la justice mais dont les mises en examens sont restées lettre morte. Au Bénin, avant la création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, la plupart des affaires de concussion dont se saisissait la justice ne sont pas jugées.
L’image de l’homme politique est écornée lorsque des affaires doivent se solder par des non-lieux ou des peines minimes alors qu’elles ont précédemment soulevé l’indignation de l’opinion publique dans les médias
Mais comment dépolitiser l’administration de la justice ? Sous nos tropiques, l’indépendance du pouvoir judiciaire semble relever d’une gageure. La question est consubstantielle du mécanisme institutionnel établi aux lendemains de la fièvre démocratique qui s’est emparée des pays africains en 1990.
Pour trouver l’équilibre adéquat d’aucuns proposent aux pays africains d’élire les juges
Un Conseil supérieur de la magistrature calqué sur le chef de l’exécutif qui nomme les magistrats. C’est le format hexagonal retenu dans les pays d’Afrique occidentale. Il est clair dans ce contexte, que « la jouissance de cette indépendance dont le politique est le garant fait ressortir en toile de fond le concept de confiance qui devrait planer sur les relations institutionnelles et qui renvoie à l’idée que l’un, dans l’exécution de la mission d’intérêt général, peut de façon désintéressée se fier à l’autre, en s’abandonnant à sa bienveillance et à sa bonne foi ».
Pour trouver l’équilibre adéquat d’aucuns proposent aux pays africains d’élire les juges : un mode expérimenté il y a près d’un siècle en occident. Ne dit-on pas que le peuple est le garant de la légitimité en démocratie.
Crédit photo : voaafrique
Bergedor Hadjihou
Bergedor Hadjihou est titulaire d’un Master recherche, option sciences juridiques et d’une Licence en journalisme. Il jouit d’une expérience professionnelle de 7 ans dans les médias au Bénin notamment au quotidien Fraternité et à la Télévision Canal3 Bénin. Il collabore avec le think tank WATHI sur le projet Bénin Politique.
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