Politique nationale d’alimentation et de nutrition 2023-2033, Conseil de l’alimentation et de la nutrition, Février 2023

Politique nationale d’alimentation et de nutrition 2023-2033, Conseil de l’alimentation et de la nutrition, Février 2023

Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Auteur : Conseil de l’alimentation et de la nutrition

Organisation affiliée : Présidence de la République

Type de publication : Rapport

Date de publication : Juillet 2023

Lien vers le document original

 

Situation alimentaire

Au Bénin, l’analyse de la situation alimentaire et nutritionnelle demeure préoccupante depuis des décennies.

En effet, l’examen du dispositif de la sécurité alimentaire selon l’enquête de Analyse Globale de la Vulnérabilité et de la Sécurité Alimentaire (AGVSA) 2017-2018, montre que la sécurité alimentaire globale était légèrement améliorée passant de 89% en 2013 à 90,4% en 2018 avec 14,1% des ménages béninois qui avaient une consommation alimentaire inadéquate, c’est-à-dire inappropriée en termes de fréquence et de diversité alimentaire pendant que 9,6% de la population était en insécurité alimentaire dont 0,7% en insécurité alimentaire sévère. Au total par rapport à 2013, l’insécurité alimentaire globale a légèrement diminué passant de 11% à 9,6%.

En plus, selon les résultats du bulletin hebdomadaire du MVAM (Mobile Vulnerability Analysis and Mapping), outil de suivi régulier des indicateurs de l’insécurité alimentaire au niveau des ménages, réalisé par le PAM sous la supervision de la Cellule Technique du Suivi et Appui à la Gestion de la Sécurité Alimentaire (CT-SAGSA/MAEP) sur la période de Mai à Juillet 2021; 5,1 Millions de la population béninoise ont actuellement une consommation alimentaire insuffisante en raison d’une hausse notable de prix des denrées alimentaires.

Par ailleurs, 63,7% de ces ménages signalent des défis liés à l’accès à l’alimentation et à la santé qui s’expliquent majoritairement par le manque d’argent, 71% de la population signalent des défis liés à l’accès financier aux marchés. Cela signifie que la part du budget restant est très limité pour couvrir les autres types de dépenses tels que les frais de santé, de scolarisation, d’achat d’intrant, etc.

La consommation alimentaire pauvre est basée essentiellement sur les céréales ou tubercules et de légumes. La consommation d’aliments riches en protéines (d’origine animale ou végétale) ainsi que les aliments riches en vitamine A ou en Fer est extrêmement peu fréquente voire nulle pour ce groupe. Ce tableau est assombri par les données statistiques des cinq dernières années (2016-2020) en matière de production agricole vivrière qui reste déficitaire allant de 127,4% en 2016 à 112,3% en 2020 soit une diminution de la production vivrière de 15,1%.

Situation nutritionnelle

L’analyse de la situation nutritionnelle montre une persistance de la malnutrition sur toutes ses formes avec un essor des maladies non transmissibles liées à la nutrition tels que le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle, le cancer, etc. Selon l’enquête MICS 2014 et l’EDS 2017-2018, le Bénin présente une situation précaire liée à la malnutrition aiguë (passant de 4,5% à 5%), une situation alarmante pour la malnutrition chronique (passant de 34 à 32%) et à l’insuffisance pondérale (18 à17%) qui reste toujours au-dessus du seuil critique chez les enfants de moins de 5ans. Au Bénin, selon les résultats de l’enquête MICS de 2014, 76 % des nouveau-nés ont été pesés à la naissance et environ 13 % présentaient un faible poids à la naissance (FPN). En 2018, cette prévalence est de 17,4% selon l’enquête commanditée par le Conseil de l’Alimentation et de la Nutrition (CAN) dans les zones d’interventions du PMASN, et de 18% selon l’EDS V.

La situation des personnes adultes et âgées est marquée par l’inexistence de dispositifs appropriés de prise en charge nutritionnelle en général et de prise en charge des personnes du 3ème âge

Le poids à la naissance est un indicateur d’appréciation de l’état nutritionnel et de santé de la mère, et aussi des chances de survie, de croissance, de santé à long terme et du développement psychosocial de l’enfant.

Par ailleurs, la carence en fer constitue un fléau très préoccupant aussi bien chez les enfants de moins de 5 ans que chez les femmes en âge de procréer passant respectivement de 58% à 72% chez les enfants de moins de 5 ans de 2006 à 2017 et de 41 à 58%, chez les FAP. Cette situation reste un problème de santé publique au niveau des formations sanitaires. De plus, il est nécessaire d’améliorer la pratique de l’allaitement maternel exclusif actuellement à 41% chez les enfants de 0-6 mois à 50% suivant les objectifs ciblés par l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) dans la lutte contre la sous-nutrition.

L’analyse de la situation nutritionnelle montre une persistance de la malnutrition sur toutes ses formes avec un essor des maladies non transmissibles liées à la nutrition tels que le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle, le cancer, etc

La situation des personnes adultes et âgées est marquée par l’inexistence de dispositifs appropriés de prise en charge nutritionnelle en général et de prise en charge des personnes du 3ème âge. Elles sont de plus en plus menacées par les affections liées au vieillissement ainsi que les maladies non transmissibles (MS, PNDS 2018-2022).

Selon les données d’enquêtes STEP 2015 sur les facteurs de risque des maladies non transmissibles (approche STEP-Wise OMS) :

  • 98% de la population adulte du Bénin présente un risque de contracter une maladie non transmissible ; plus de 71% des adultes ne pratiquent aucune activité physique modérée et régulière (MS, PNDS 2018-2022).
  • la surcharge pondérale (surpoids + obésité) est en augmentation (de 10% en 2001 à 20,5% en 2008 et 23,2% en 2015) avec une prédominance féminine s’élevant à 27,2% à l’échelle nationale et un rebond de l’obésité morbide (IMC ≥ 30) à 26,2% (STEP, 2015)
  • le diabète/l’hyperglycémie devenu inquiétant au vu de sa prévalence multipliée par 6 en 15 ans (2,9% en 2001, 8,4% en 2008, et 12,4% en 2015).

On note aussi que la dénutrition ou le déficit énergétique chronique concerne environ un (01) patient sur deux (02) dans les hôpitaux. En effet, des études effectuées en milieu hospitalier au Bénin (CNHU, 2019) ont montré que l’état nutritionnel des patients et la qualité de leur alimentation restaient préoccupants en lien avec différents facteurs qui devraient être améliorés (offres alimentaires quantitativement et qualitativement inappropriées par rapport aux besoins, horaires des repas inadaptés, aide au repas inexistante ou inappropriée, insuffisance dans la mise en place de l’alimentation entérale et parentérale des services de réanimation). De façon globale, il est à noter aussi un parallélisme dans les interventions sur la sécurité alimentaire et la nutrition avec une utilisation non efficiente des ressources, des doublons d’interventions au niveau sectoriel et celui des partenaires, l’absence des indicateurs et d’un cadre de référence pays, d’un système de surveillance et de veille permanente sur la situation alimentaire et nutritionnelle au niveau pays, la non couverture de toutes les interventions et la non rationalisation des recherches pour des preuves d’évidence.

A côté de ces constats spécifiques à l’état de lieux de l’alimentation et de la nutrition, il est nécessaire de redynamiser certaines interventions connexes notamment l’autonomisation de la femme, l’amélioration des sources en eau potable, la disponibilité des toilettes communautaires, l’alphabétisation et l’éducation des ménages à la pratique d’hygiène afin de pouvoir lutter efficacement contre l’insécurité alimentaire et malnutrition.

Causes sous-jacentes

L’accès aux aliments reste limité pour un nombre important de ménages au Bénin. Les disponibilités alimentaires sont inégalement réparties dans le pays et à une forte incidence de pauvreté dans un contexte récurrent de hausse des prix des denrées alimentaires de base.

L’accès aux services de santé, d’hygiène, à l’eau potable et l’assainissement reste encore très difficile pour certaines populations au Bénin

Selon les résultats de l’AGVSA 2017, la proportion de ménages en insécurité alimentaire (modérée et sévère) est de 9,6% représentant 1 091 971 personnes en 2017. Cependant environ 42,9% des ménages sont en sécurité alimentaire limite, c’est à dire qui peut assurer une alimentation adéquate sans recourir à des stratégies d’adaptation irréversible mais ne peut pas se permettre des dépenses non alimentaires essentielles.

L’accès aux services de santé, d’hygiène, à l’eau potable et l’assainissement reste encore très difficile pour certaines populations au Bénin. En exemple, le taux d’accès à un assainissement adéquat est de 20% sur le plan national en 2015. Le taux de défécation à l’aire libre est à 53% au niveau national et 76% en milieu rural. Le déficit en utilisation des moyens d’assainissement adéquats reste important. Selon le MICS 2014, environ 13% de la population utilisait des installations d’assainissement améliorées non partagées.

Dans le domaine de l’hygiène, l’enquête MICS 2014 révèle que seulement 11% des ménages disposent d’un lieu dédié au lavage des mains et 8% d’entre eux avaient à la fois de l’eau et du savon (ou un autre produit de nettoyage) disponibles. Cette proportion est de 13% en milieu urbain et de 5% en milieu rural.

Causes fondamentales

L’insuffisance de synergie intra sectorielle et intersectorielle dans la mise en œuvre des politiques publiques, le faible positionnement de la nutrition au niveau des ministères sectoriels, des croyances et pratiques alimentaires et nutritionnelles inappropriées et les difficultés de gouvernance sont autant de facteurs qui affectent négativement le domaine de l’alimentation et la nutrition.

En effet, les politiques et stratégies mises en œuvre depuis des décennies tant au niveau national que sectoriel, dans un contexte de rareté de ressources insistent peu sur les effets intégrés des interventions et des dépenses.

Les interdits alimentaires, l’alimentation complémentaire mal conduite, l’ignorance, l’existence des tabous alimentaires, la pauvreté, etc. constituent des causes fondamentales de malnutrition au Bénin. Il en est de même du statut socioéconomique de la femme qui la sépare pendant de longues heures de son enfant étant donné que la grande majorité des femmes est occupée par des activités génératrices de revenus.

Les interventions des partenaires manquent de cadrage, de gouvernance et de leadership. Par ailleurs, l’insuffisance des ressources humaines spécialisées en nutrition dans les structures pour le pilotage des activités de nutrition constituent des contraintes majeures (IRSP, 2022).

Par ailleurs de nombreux acteurs, tout en reconnaissant les efforts le Conseil de l’Alimentation et de la Nutrition, attendent encore les résultats concrets en termes d’harmonie et de synergie dans les interventions.

Conséquences de la malnutrition

La malnutrition chez les enfants augmente les décès, provoque de grandes souffrances physiques et psychologiques. Elle est la conséquence des retards de croissance, et elle diminue l’espérance de vie des enfants malnutris, une fois adultes. Chaque année, la malnutrition est à l’origine de la moitié des décès des enfants de moins de 5 ans.

Sur près de 12 millions de décès qui surviennent chaque année dans le monde en développement parmi les enfants de moins de cinq ans, principalement de causes évitables, 55% peuvent être attribués directement ou indirectement à la malnutrition. L’anémie intervient dans 20 à 23% de tous les décès post-partum en Afrique et en Asie. Chez le nourrisson et le jeune enfant, l’anémie peut entraver le développement psychomoteur et cognitif, abaissant le quotient intellectuel (QI) de neuf points. Les enfants de poids insuffisant à la naissance ont des QI inférieurs de cinq points en moyenne à ceux des enfants de poids normal. Une carence en iode in utero peut, si elle est importante, causer cette arriération mentale profonde qu’est le crétinisme ; même à des degrés plus légers, elle est à l’origine de déficits intellectuels.

On pense que les carences en minéraux et vitamines coûtent à certains pays plus de 5% de leur produit national brut du fait des pertes de productivité, mais aussi de capacités et de vies. De nombreux enfants souffrant de plusieurs types de malnutrition à la fois, les chiffres ont tendance à se chevaucher. Toutefois, on estime que 226 millions d’enfants dans le monde présentent des retards de croissance. Selon certaines études, près de 67 millions d’enfants dans le monde souffriraient d’émaciation, ce qui signifie qu’ils sont en dessous du poids qu’ils devraient avoir pour leur taille. Et quelques 183 millions d’enfants dans le monde pèsent moins que le poids moyen normal pour leur âge. Une étude a constaté que le risque de mourir dans l’année était entre deux et huit fois plus élevé chez les enfants présentant une grave insuffisance pondérale que chez ceux de poids normal. Plus de deux milliards de personnes, principalement des femmes et des enfants dans le monde, manquent de fer. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que dans les pays en développement, 51% des enfants de moins de quatre ans sont anémiques. Les femmes malnutries, de poids insuffisant, risquent fort d’avoir des bébés trop petits.

Les pertes économiques liées aux maladies non transmissibles (MNT) constituent un facteur de sous-développement. Selon une note d’information de l’OMS et du PNUD à l’endroit des autorités compétentes en matière de commerce et d’industrie, les maladies non transmissibles empêchent le secteur du commerce et de l’industrie de réaliser tout son potentiel. Les MNT font reculer la productivité et la croissance économique parce qu’elles entraînent des pertes d’effectifs imputables à la maladie et aux décès prématurés, ou parce-que les employés malades qui continuent à travailler sont moins performants. Si rien ne change, on estime que dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les pertes économiques cumulées dues aux quatre principales MNT seront supérieures à 7 000 milliards de dollars US sur la période 2011-2025, ce qui représente près de 4 % de la production réalisée par ces pays en 2010. Le tabagisme fait baisser le PIB mondial de 1 à 2 % chaque année. Premier employeur dans la plupart des économies, le secteur du commerce et de l’industrie devrait bénéficier d’une amélioration de la santé des travailleurs en vue d’une hausse de leur productivité.