Comlan Fagbemon est le maire de la commune de Bantè. Il est socio-anthropologue de formation et expert en médiation. Il assure actuellement la présidence du Groupement intercommunal des Collines (GIC) ; une faitière qui regroupe les six communes du département des Collines à savoir : Dassa, Savalou, Bantè, Glazoué, Savè, Ouèssè.
Pouvez-vous nous présenter la commune de Bantè ?
La commune de Bantè est située au nord-ouest du département des Collines, à 296 km de Cotonou, la capitale économique du Bénin. Elle partage ses frontières avec les communes de Savalou au sud, de Bassila au nord, de Ouèssè et Glazoué (par la rivière Agbado) à l’est et la République du Togo à l’ouest.
D’une superficie de 2 695 km2, elle occupe environ les 19,44 % du territoire des Collines et les 2,49 % du territoire national. Elle arrive en deuxième position, après la commune de Ouéssè (3 200 km2) du point de vue de la superficie au niveau du département des Collines.
Érigée en sous-préfecture en 1978, la commune actuelle de Bantè compte 49 villages et quartiers administratifs répartis dans neuf arrondissements, selon le dernier découpage administratif du Bénin. La commune de Bantè compte 107181 habitants au Recensement Général de la Population et l’Habitation en 2013, ce qui représente 14,93 % de la population totale du département des Collines.
La crise post-électorale qu’a connue la commune de Bantè à l’instar de certaines communes du Bénin n’est pas restée sans conséquences sur le bien-être des jeunes du fait de la psychose générale due aux crépitements des armes
Les arrondissements à forte concentration humaine sont Bantè, Gouka, Pira, Akpassi et Atokoligbé. Ces localités présentent une ossature urbaine embryonnaire et disposent d’un nombre important de villages.
C’est une population fortement jeune, ce qui impose de grands défis aux autorités, en ce qui concerne la formation et l’emploi.
Ces jeunes en quête d’emplois émigrent fortement en direction des centres urbains du pays comme Savalou, Dassa, Bohicon, Parakou, Cotonou etc., et surtout vers le Nigéria. Le phénomène migratoire est aussi accentué dans le sens inverse en provenance du Togo et du Nigéria notamment, pour des raisons commerciales et de main-d’œuvre agricole.
On note de plus en plus des perturbations climatiques dans la commune de Bantè. Il s’agit notamment des poches de sécheresse. Les températures les plus élevées s’enregistrent en février, où elles dépassent 37°C, alors que les plus faibles s’observent en septembre et tournent autour de 23°C. La population de Bantè est composée de groupes socio- linguistiques diversifiés dont les Yoruba sont majoritaires (90 %).
Quels sont les défis liés à l’épanouissement de la jeunesse à Bantè ?
Il y a une nette diminution de l’effectif des apprenants dans l’enseignement primaire. De 23 330 écoliers en 2015, on est passé à 23 212 en 2016. En 2015, le taux de déperdition scolaire dans la commune de Bantè était de 12,45 % contre une moyenne de 10,89 % pour le département des Collines.
Aucun hameau ne dispose d’école maternelle. De facto, il se pose un problème d’accessibilité aux infrastructures scolaires aux enfants des hameaux et fermes éloignés d’une école.
La commune de Bantè manque d’infrastructures de loisirs. Elle est l’une des rares communes au Bénin, qui ne disposent pas d’un mètre carré de voie pavée. La plupart des voies reliant les différents arrondissements sont en état de dégradation très avancée.
Ainsi, les jeunes sont astreints à vivre dans leur arrondissement encore enclavé pendant la saison des pluies. Bantè ne dispose pas de stade digne du nom pour l’épanouissement des jeunes footballeurs. Les taux d’abandon de l’école deviennent de plus en plus élevés. L’exode rural des jeunes est notoire.
Quelles sont les activités génératrices de revenus à Bantè?
Beaucoup de jeunes s’adonnent à la vente de l’essence frelatée mais le commerce de bois et les produits tropicaux comme le cajou utilisent beaucoup plus la main d’œuvre active. Grâce à l’initiative de la mairie à travers l’entrepreneuriat apicole, la commune a fait l’option de l’économie circulaire pour insérer les jeunes dans l’apiculture.
Il se note désormais des sentiments de méfiance entre jeunes d’obédiences politiques contraires. Beaucoup de jeunes ont fui vers les pays frontaliers laissant femmes et enfants dans la solitude ou à la charge des parents proches par crainte de représailles. La jeunesse a besoin de se réconcilier pour travailler au développement de sa localité
Cette initiative a permis de former en technique moderne d’apiculture, d’équiper entièrement et d’installer dix-huit (18) jeunes de la commune. L’initiative date de 2019. En termes d’impact, il faut souligner que ces jeunes assurent la distribution du miel de qualité à la population qui n’est plus tenue de le commander hors de la commune.
L’Etat a annoncé la création de 30 lycées agricoles dans les communes. Quelle place Bantè occupe dans ce projet ?
La commune de Bantè ne figure pas sur la liste des trente communes annoncées pour bénéficier des lycées techniques agricoles modernes d’ici 2023, qui vont accueillir 48 000 apprenants afin de former des exploitants agricoles de type nouveau. Il s’agit d’une première cohorte. Nous espérons donc faire partie de la deuxième cohorte. Pour le moment, la commune dispose d’un centre de formation professionnelle situé dans l’arrondissement d’Agoua qui est confronté, pour rappel, à une insuffisance d’enseignants et un manque crucial d’infrastructures.
Comment appréciez-vous les projets d’entreprise des jeunes dans votre localité ?
Plusieurs projets sont développés dans le cadre de l’entrepreneuriat des jeunes. La plupart sont dans le domaine agricole mais très peu de jeunes choisissent d’aller dans ce secteur. Il faut noter que les jeunes commencent néanmoins par prendre conscience de la nécessité de se mettre en coopérative du fait des exigences des projets-programmes développés ces dernières années par le Gouvernement pour booster le secteur agricole. Le Programme d’appui au développement agricole dans les Collines (PADAC) a appuyé les jeunes promoteurs agricoles à travers des projets privés et des projets communaux. De 2018 à 202l, l’Etat a accompagné les promoteurs de projets privés à hauteur de 330 076 783 FCFA.
En quoi la dernière crise post-électorale a-t-elle affecté, selon vous, le bien-être des jeunes dans la commune ?
La crise post-électorale qu’a connue la commune de Bantè à l’instar de certaines communes du Bénin n’est pas restée sans conséquences sur le bien-être des jeunes du fait de la psychose générale due aux crépitements des armes.
Il se note désormais des sentiments de méfiance entre jeunes d’obédiences politiques contraires. Beaucoup de jeunes ont fui vers les pays frontaliers laissant femmes et enfants dans la solitude ou à la charge des parents proches par crainte de représailles. La jeunesse a besoin de se réconcilier pour travailler au développement de sa localité. Il se développe également un sentiment de peur chez d’autres jeunes étrangers et les investisseurs en général pour venir s’installer dans la commune.
Mais il faut signaler que depuis un moment, nous travaillons de concert avec toutes les forces vives de la commune de sorte que progressivement, on constate que l’harmonie, la solidarité et les comportements de bon voisinage qui caractérisaient la commune commencent par renaitre dans le cœur de la jeunesse en particulier et de la population en général.
Selon vous, que doit faire un parti politique pour être plus présent et plus visible au niveau local ?
Pour être plus présent et plus visible au niveau local, le politique qui représente et porte les idéaux du parti, doit beaucoup communiquer avec les acteurs à la base, chercher à connaitre les réels problèmes auxquels ils sont confrontés et discuter avec eux des approches de solutions de sorte qu’ils ne se sentent pas oubliés.
Parmi les activités du secteur informel, l’essence frelatée vient en tête parce que la commune n’a pas de station d’essence. Tout le monde se dirige vers les stands d’essence frelatée pour s’approvisionner
Il a la responsabilité d’organiser sainement l’animation de la vie politique au niveau local, d’investir dans la formation des jeunes au militantisme et la citoyenneté. Il peut être de son ressort aussi d’aider à la construction d’infrastructures socio communautaires qui répondent aux besoins de la population.
Quelle est la situation des femmes et des filles à Bantè ?
La situation des filles et des femmes est préoccupante dans la commune. Les filles-mères méritent une attention particulière dans le but de les orienter vers des formations professionnelles pour réduire la précarité dans laquelle elles végètent une fois sorties de l’école pour raison de maternité.
Selon le centre de promotion sociale de Bantè qui joue un rôle de coordination et de suivi à l’endroit des filles-mères, on dénombre aujourd’hui 736 filles-mères. Plusieurs Organisations non gouvernementales (ONG) appuient la commune dans leur prise en charge dont Plan International Bénin à travers son projet « Plan pour les Filles ».
Quelle est la part de l’informel dans l’économie à Bantè?
Le secteur informel est développé. Il occupe une grande partie de l’économie locale à travers l’artisanat, le commerce et le transport. Parmi les activités du secteur informel, l’essence frelatée vient en tête parce que la commune n’a pas de station d’essence. Tout le monde se dirige vers les stands d’essence frelatée pour s’approvisionner. Il faut noter également la faible organisation des filières (anacarde, riz , soja , manioc…) pour contribuer efficacement à l’économie locale.
La décentralisation est-elle une réalité à Bantè ?
La décentralisation à Bantè, comme dans les autres communes du Bénin, est une réalité. Depuis 2003, avec l’avènement de la décentralisation, Bantè a régulièrement son conseil communal installé et les différents organes de gestion au niveau communal fonctionnent bien avec un plan de développement communal dont l’horizon est de 05 ans.
Quelle place l’intercommunalité occupe dans le développement de Bantè ?
L’intercommunalité occupe une place importante dans le développement de Bantè en ce sens qu’on partage un même espace économique et des projets de développement des territoires concernés. C’est un système efficace puisqu’il favorise par exemple le partage d’informations à divers niveaux.
Toutes les communes bénéficient d’un même financement relatif au Projet d’Appui au Développement des Collines (PADAC), au Projet d’intercommunalité d’appui au développement économique (PIADE) et au Projet d’approche communale pour le marché agricole phase 1-2 (ACMA1-2) et à la résilience des communes aux changements climatiques.
En tant que président du Groupement intercommunal, je coordonne les activités au sein du cadre de concertation. J’oriente mes collègues à la recherche du financement pour booster le développement économique du département. Nous organisons également le suivi des travaux des projets dans toutes les communes. Nous exerçons aussi des missions de représentativité.
Crédit photo : Wikipedia
Commenter