Mission d’observation électorale de l’Union africaine pour les élections législatives du 28 avril 2019 en république du Bénin conclusions préliminaires, Union africaine, 2019

Mission d’observation électorale de l’Union africaine pour les élections législatives du 28 avril 2019 en république du Bénin conclusions préliminaires, Union africaine, 2019

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Auteur:   UnionAfricaine

Type de publication: Rapport

 Date de publication: 2019

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Les élections législatives du 28 avril 2019 en République du Bénin sont les 8èmes à être organisées depuis la Conférence nationale des Forces vives de 1990. Cette conférence marque le début de l’ancrage de la démocratie au Bénin qui depuis lors bénéficie d’un statut de modèle en Afrique.

Toutefois, ces élections interviennent dans un contexte marqué par une rupture du consensus sur lequel repose la démocratie béninoise et auquel la Cour Constitutionnelle a conféré une valeur constitutionnelle.

Au vu de ce contexte, le Président de la Commission de l’Union Africaine (CUA), S.E. Moussa Faki Mahamat a décidé de dépêcher en République du Bénin, une Mission d’observation électorale.

Toutefois, ces élections interviennent dans un contexte marqué par une rupture du consensus sur lequel repose la démocratie béninoise et auquel la Cour Constitutionnelle a conféré une valeur constitutionnelle

La MOEUA publie ses conclusions préliminaires au terme de son observation de la période électorale notamment la fin de la campagne électorale, les phases des opérations de vote et de dépouillement des voix qui se sont déroulées le 28 avril 2019.

Elle va continuer à suivre l’évolution du processus électoral à l’issue duquel elle offrira une évaluation détaillée de la conduite de celui-ci dans un rapport final.

Objectifs et Méthodologie

La Mission d’Observation Electorale de l’Union Africaine (MOEUA) a pour mandat entre autres, d’écouter et de s’informer dans le but d’apprécier le caractère des élections législatives du 28 avril 2019.

Ce mandat est exécuté conformément aux dispositions pertinentes de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, entrée en vigueur le 15 février 2012, la Déclaration de l’OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique AHG/Decl.1 (XXXVIII) et les Directives de l’Union Africaine pour les missions d’observation et de suivi des élections ainsi que la Constitution et les lois de la République du Bénin. La MOEUA est arrivée au Bénin le 20 avril 2019 et y séjournera jusqu’au 04 mai 2019.

Au cours de son séjour, la MOEUA s’est entretenue avec les autorités institutionnelles du pays ainsi que les principales parties prenantes au processus électoral, notamment, le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, le Ministre de la Justice et de la Législation, le Président de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), les formations politiques de la majorité présidentielle et de l’opposition, et les organisations de la société civile. Du 23 au 25 avril 2019, la MOEUA a organisé, pour ses observateurs, des échanges et interactions avec la plupart des parties prenantes béninoises.

Le 28 avril 2019, jour du scrutin législatif, les équipes d’observateurs de courte durée, dotées de leurs tablettes tactiles, ont visité 129 postes de vote.

Constats préliminaires : observations préélectorales

 Contexte général des élections du 28 avril 2019

Le Bénin a une réputation de modèle démocratique en Afrique. La conférence des forces vives de 1990 a posé les fondements de l’ordre démocratique et de la culture du consensus que les acteurs sociopolitiques ont bâti au fil du temps en République du Bénin.

Toutefois, les élections législatives du 28 avril 2019 interviennent dans un contexte marqué par une rupture du consensus qui a conduit à la non-participation des partis politiques de l’opposition pour la première fois dans l’histoire démocratique du pays. Cette situation résulte de l’application de nouvelles dispositions de la loi n° 2018 – 23 du 17 septembre 2019 portant Charte des partis politiques en République du Bénin, adoptée le 17 septembre 2018, et de la loi n° 2018-31 du 09 octobre 2018 portant Code électoral, adoptée le 09 octobre 2018 par l’Assemblée Nationale.

La Décision EL 19-001 du 1er février 2019 de la Cour Constitutionnelle relative au certificat de conformité des partis politiques a suscité de vifs débats au sein de la classe politique et de la société béninoise dans son ensemble.

L’opposition dans sa grande majorité a vu dans l’application de cette charte une volonté délibérée du pouvoir de l’écarter des élections. D’autres acteurs politiques, tout en reconnaissant l’impact négatif du caractère non inclusif des élections sur l’image de la démocratie béninoise ont soutenu la poursuite du processus électoral et la tenue des élections législatives du 28 avril 2019.

Toutefois, les élections législatives du 28 avril 2019 interviennent dans un contexte marqué par une rupture du consensus qui a conduit à la non-participation des partis politiques de l’opposition pour la première fois dans l’histoire démocratique du pays.

La société civile est restée relativement divisée sur la posture à adopter tout en appelant de manière unanime pour des élections inclusives. Dans sa grande majorité, elle a décidé de réorienter son monitoring au regard du contexte vers la violence électorale et la participation citoyenne. Des initiatives de médiation entreprises pour rapprocher les positions politiques divergentes et sortir le pays de l’impasse politique et électorale n’ont pas produit les résultats escomptés.

La saisine de l’Assemblée nationale par le Président de la République, la médiation de la société civile et les missions de bons offices de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), des Nations Unies à travers son Bureau pour l’Afrique de l’Ouest et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) sont des efforts qui ont été consentis dans la recherche de solutions pour une sortie de crise par des acteurs nationaux et internationaux.

Le Président de la République, à qui certains acteurs avaient demandé d’user d’ordonnances pour une sortie de crise, a écarté cette voie en invoquant la nécessité de respecter l’Etat de droit et les lois en vigueur.

Cette position est perçue par certaines parties prenantes au processus électoral comme un manque de volonté politique en vue d’une sortie de crise par des élections inclusives.

 Cadre juridique des élections législatives de 2019

Les élections législatives du 28 avril 2019 sont régies par la loi n°90- 32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, la loi n°91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001, la loi n° 2018-31 du 09 octobre 2018 portant Code 3 électoral, la loi n°2018-23 portant Charte des partis politiques et la loi n° 2013 – 09 du 03 septembre 2013 portant détermination de la carte électorale et fixation des centres de vote en République du Bénin.

L’Assemblée nationale est constituée de 83 députés élus au suffrage universel direct de listes à la représentation proportionnelle pour un mandat de quatre (4) ans renouvelables de manière illimitée. L’article 242 du Code électoral fixant les modalités de la répartition des sièges est particulièrement contesté par une partie de la classe politique.

Spécifiquement son dernier alinéa qui dispose que les sièges sont attribués aux listes seules ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au plan national. L’application de cette disposition peut avoir pour conséquence dans certaines circonscriptions l’attribution des sièges à pourvoir à des listes très minoritaires au détriment des listes majoritaires ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés. Cette disposition apparait ainsi en contradiction avec les principes fondamentaux d’équité et d’égalité du suffrage.

Administration électorale

L’organisation matérielle des élections, la supervision des opérations de vote ainsi que la centralisation des résultats sont confiées à la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA). Elle est également chargée du financement des partis politiques. Elle reçoit, par ailleurs, les déclarations de candidature et arrête la liste provisoire des listes de candidatures retenues.

La Cour Constitutionnelle est chargée du contentieux des élections législatives. Dans la perspective des élections législatives, la Cour Constitutionnelle, par une décision en date du 1er février 20191 , a exigé des listes candidates, la production d’un certificat de conformité aux dispositions de la loi portant Charte des partis politiques délivré par le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique.

Plusieurs acteurs politiques avec lesquels la MOEUA s’est entretenue contestent cette décision du juge constitutionnel estimant que le certificat de conformité n’est pas prévu par le Code électoral et irait à l’encontre du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui proscrit aux Etats membres de modifier les règles électorales dans les six (6) mois qui précèdent les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques.

La MOEUA note que cette disposition a eu des incidences sur la participation effective de plusieurs partis politiques de l’opposition au scrutin du 28 avril 2019.

Enrôlement et distribution des cartes d’électeurs

Les conditions d’inscription sur la liste électorale permanente informatisée (LEPI) sont définies par le Code électoral en ses articles 126 à 130. Suivant les statistiques publiées par le Conseil d’orientation et de supervision de la Liste Electorale Permanente Informatisée (COS-LEPI) le 16 janvier 2019, le fichier électoral était constitué de 4 992 399 électeurs inscrits dans 7909 centres de votes et répartis entre 14079 postes de vote.

Le COS-LEPI a décidé que les cartes éditées en 2011 et celles de 2015 restent valables pour les élections du 28 avril 2019. La confection de nouvelles cartes n’a concerné que les nouveaux majeurs, les électeurs en quête de duplicata et ceux ayant changé de domicile. La MOEUA a constaté que le taux de retrait des cartes d’électeurs chez ces catégories d’électeurs susmentionnés est resté faible. En effet, la période de retrait initialement prévue du 06 au 16 avril 2019 a 1 Décision EL19-001 du 1er février 2019 4 été ainsi prorogée au 21 avril 2019 et en dépit de ce délai supplémentaire, le taux de retrait des cartes est demeuré faible.

Enregistrement des listes de candidatures

L’enregistrement des listes de candidatures pour les élections législatives du 28 avril 2019 est intervenu dans un contexte marqué par l’adoption d’une nouvelle Charte des partis politiques qui pose de nouvelles conditions pour la création d’un parti politique.

Un délai de six (06) mois a été imparti aux partis existants pour se conformer à ces nouvelles dispositions. La Cour Constitutionnelle avait mis à profit sa saisine contre le décret portant convocation du corps électoral pour indiquer que les partis qui envisageaient de présenter des candidatures aux élections législatives du 28 avril 2019 devaient lors de leur déclaration de candidature à la CENA produire un certificat de conformité délivré par le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique attestant de leur conformité aux dispositions de la Charte des partis politiques à la date fixée pour le dépôt de candidature.

Des sept (07) candidatures déclarées à la CENA seules deux (02) listes ont été validées. Il s’agit de celles de l’Union progressiste (UP) et du Bloc Républicain (BR). Ces listes présentent la particularité d’appartenir toutes à la majorité présidentielle. Aucune liste de l’opposition n’a été qualifiée pour participer aux élections législatives du 28 avril 2019

Bien que les partis politiques qui désiraient se présenter aux élections législatives disposaient de quelques mois pour se conformer aux nouvelles dispositions de la Charte des partis politiques, la MOEUA note que le juge constitutionnel dans sa décision n’a pas soumis l’autorité compétente à des délais pour la délivrance du certificat de conformité.

La MOEUA note également que la décision de la Cour Constitutionnelle a été rendue 20 jours avant le début du dépôt des listes de candidatures à la CENA. La MOEUA est d’avis que les contraintes administratives imposées aux formations politiques pour se conformer aux nouvelles dispositions de la charte des partis politiques et les délais impartis par la décision du juge constitutionnel aux formations politiques qui souhaitaient présenter des candidatures sont des facteurs qui ne sont pas de nature à favoriser le principe de l’égalité des chances des partis politiques.

Des sept (07) candidatures déclarées à la CENA seules deux (02) listes ont été validées. Il s’agit de celles de l’Union progressiste (UP) et du Bloc Républicain (BR). Ces listes présentent la particularité d’appartenir toutes à la majorité présidentielle. Aucune liste de l’opposition n’a été qualifiée pour participer aux élections législatives du 28 avril 2019.

La MOEUA relève que la mise en œuvre de certaines dispositions notamment le certificat de conformité, le cautionnement fixé à 249 millions de Fcfa et l’application du quitus fiscal a une incidence sur le caractère inclusif et compétitif du scrutin du 28 avril 2019.

Campagne électorale

La campagne électorale a duré 15 jours et s’est déroulée du vendredi 12 avril 2019 à minuit au vendredi 26 avril 2019 à minuit conformément à la loi électorale. La MOEUA a noté que tous les acteurs sociopolitiques s’accordent à reconnaître que l’ambiance a été moins festive que par le passé. Ceci s’expliquerait soit par le nombre réduit de listes en compétition appartenant à la majorité présidentielle soit par les menaces proférées par certains partis politiques.

La MOEUA a relevé l’absence d’un code de conduite encadrant le comportement des partis politiques en période électorale. Cette lacune n’est pas de nature à créer un climat propice à une conduite apaisée des activités de campagne des candidats et de leurs militants. L’adoption d’un code de conduite est un des principes érigés par la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance en son article 17.

 Médias

Dans la perspective des élections législatives du 28 avril 2019 la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) avait pris des dispositions pour encadrer l’activité des médias durant le processus électoral.

La MOEUA a constaté que le temps d’antenne imparti aux deux (02) listes en compétition ainsi que l’ordre de passage établi par la HAAC par tirage au sort au niveau des médias publics ont été respectés

Il s’agit notamment de la décision N°19-007 du 24 janvier 2019, portant réglementation de l’activité des médias pendant la période de pré-campagne et de la décision N°19-021 du 04 avril 2019 portant sur la réglementation de l’accès aux médias publics pendant la campagne médiatique des élections législatives du 28 avril 2019.

La MOEUA a constaté que le temps d’antenne imparti aux deux (02) listes en compétition ainsi que l’ordre de passage établi par la HAAC par tirage au sort au niveau des médias publics ont été respectés.

 Société civile

La MOEUA a noté que les associations de la société civile à travers principalement la plateforme électorale des organisations de la société civile du Bénin ont été particulièrement impliquées dans le processus électoral.

La Mission a relevé que dans la quête d’élections législatives apaisées et inclusives, la plateforme a entrepris plusieurs initiatives dont la vulgarisation de la législation électorale mais surtout la sensibilisation sur certaines dispositions conflictuelles en plus de la vulgarisation de la documentation sur la violence électorale dans un contexte lié au risque de non inclusion au processus électoral.

Toutefois, la Mission a perçu au sein de la société civile l’absence de positions communes relatives au processus électoral. La MOEUA salue l’approche proactive qui a conduit la plateforme électorale à se réorienter vers le monitoring de la violence électorale, pour en réduire l’impact, et la surveillance du taux de participation qui était le principal enjeu de ces élections législatives.

Sécurité

La MOEUA a constaté un déploiement massif des forces de défense et de sécurité. Une cellule de veille pour un traitement approprié et rapide des cas d’atteinte à l’ordre public a été mise en place par le Ministère de la Justice et la Législation. Des instructions ont été données aux forces de défense et de sécurité pour qu’elles fassent preuve de professionnalisme dans l’exercice de leurs missions.