Les pratiques médiatiques, informationnelles et numériques des futurs enseignants au Bénin, un enjeu pour l’éducation aux médias et à l’information : Le cas de l’École Normale Supérieure de Porto-Novo, Université de Rouen Normandie, France, 25 mars 2023

Les pratiques médiatiques, informationnelles et numériques des futurs enseignants au Bénin, un enjeu pour l’éducation aux médias et à l’information : Le cas de l’École Normale Supérieure de Porto-Novo, Université de Rouen Normandie, France, 25 mars 2023

Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Auteur : Ghislain Chasme 

Site de publication : Médiations & médiatisations  

Type de publication : Article  

Date de publication : 25 mars 2023

Lien vers le document original

 


 

Introduction  

 

À l’heure où les médias sociaux apparaissent comme le premier moyen d’information des jeunes, il est important de s’intéresser à la manière dont les futurs citoyens sont éduqués aux médias et à l’information. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture a en effet, dès les années 1970, fait pressentir la nécessité de passer d’une logique d’éducation par les médias (les médias servent de support aux apprentissages) à une éducation aux médias qui deviennent de véritables objets d’étude ; par la suite, la Déclaration de Grunwald constatait l’omniprésence des médias et préconisait une forme de coéducation :  

L’éducation aux médias sera plus efficace si les parents, les maîtres, le personnel des médias et les responsables des décisions reconnaissent qu’ils ont tous un rôle à jouer pour favoriser l’émergence d’une conscience critique plus aiguë des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a défini la littératie comme l’« aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » (OCDE et Statistique Canada, 2000, p. 12); il s’agit alors pour l’individu de maîtriser l’écrit, qu’il soit sous forme de texte suivi, de texte schématique ou encore de texte au contenu quantitatif. La littératie relève par ailleurs d’une perception cognitive, symbolique, sociale ou encore culturelle et renvoie au principe d’alphabétisation.

La notion d’« éducation à … » pour sa part permet de prendre en compte dans l’École des réalités qui vont au-delà des seuls savoirs savants et qui correspondent à des pratiques sociales nouvelles ; une « éducation à … » ne relève donc pas d’une discipline en particulier, mais d’une approche transversale dont devrait s’emparer, à l’École, tout enseignant qui a pour mission d’éduquer les futurs citoyens et de les aider à se construire un esprit critique.

Contexte de l’étude : les étudiants de l’École Normale Supérieure de Porto-Novo

Au Bénin, la formation des enseignants du secondaire est assurée par l’École Normale Supérieure (ENS) qui dispose de deux antennes : Porto-Novo et Natitingou. Elle dure trois ans (licence) pour le Brevet d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Secondaire ou le Brevet d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Technique qui permettent d’enseigner au premier cycle (les quatre premières années de l’enseignement secondaire) et cinq ans (master) pour le Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Secondaire ou le Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Technique qui autorisent à enseigner dans le second cycle. 

Discussions

Pour les étudiants de l’ENS Porto-Novo, nous avons donc identifié des pratiques essentiellement non formelles. La mobilisation de ces pratiques dans un cadre formel pour aider les futurs enseignants à s’acculturer et à acquérir des connaissances nous apparaît un préalable pour qu’ils puissent intégrer l’EMI dans leurs pratiques pédagogiques. Pour cela, il nous semble ici intéressant d’une part de prendre appui sur les pratiques MIN non formelles, et d’autre part de situer l’EMI dans une perspective holiste.

L’éducation aux médias sera plus efficace si les parents, les maîtres, le personnel des médias et les responsables des décisions reconnaissent qu’ils ont tous un rôle à jouer pour favoriser l’émergence d’une conscience critique plus aiguë des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs

Il nous semble également important que les connaissances des futurs enseignants soient construites de manière à faire face aux évolutions sociétales. Dans ce contexte, l’apport de notre enquête est de fournir quelques indicateurs sur les pratiques et connaissances MIN des étudiants futurs enseignants au Bénin ; nous avons ainsi mis en évidence certaines de leurs manières de faire, essentiellement adossées au téléphone mobile, et également identifié leurs besoins en formation.

En France, l’Éducation nationale avait publié en 2010 le Repère pour la mise en œuvre du Parcours de formation à la culture de l’information, une tentative de didactisation de 10 notions info-documentaires, un document « mis à disposition de l’ensemble des équipes pédagogiques et éducatives des établissements scolaires », mais que peu d’enseignants français connaissent, à part les professeurs documentalistes.

Signalons également le travail réalisé depuis plusieurs années par l’Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale qui œuvre à la didactisation de plusieurs dizaines de notions info-documentaires ; cette ressource est certes destinée aux professeurs documentalistes pour nourrir leurs enseignements en information-documentation, mais dans la mesure où plusieurs des notions en question peuvent faire l’objet d’une construction en éducation aux médias et à l’information, elle peut être mobilisée par tout enseignant souhaitant intégrer l’EMI dans ses pratiques.

Inscrire l’EMI dans une perspective holiste

Aider les futurs enseignants à intégrer l’EMI dans leurs pratiques pédagogiques implique ainsi de mettre en œuvre une réflexion sur la structuration d’un « curriculum EMI » intégrant des compétences à adosser aux programmes d’enseignement scolaire ; ceci pourrait constituer une suite à la présente recherche, dans le contexte béninois.

Il s’agit également de faire évoluer l’offre de formation des étudiants futurs enseignants en lui intégrant un enseignant de type CNEMI avec une approche anthropocentrée, qui s’appuie effectivement sur les pratiques et non sur les outils ; c’est un chantier que nous avons cherché à ouvrir en nous intéressant aux pratiques MIN des étudiants futurs enseignants au Bénin, mais également par l’enseignement CNEMI que nous avons dispensé à l’ENS Porto-Novo en octobre 2021 et en juillet 2022.

Cela implique également d’envisager la formation des enseignants qui doivent prendre en charge ce type d’enseignement. Tout ceci a une incidence sur les besoins en équipement ; notre enquête a montré que le premier besoin exprimé par les étudiants est une connexion Wi-Fi. Il nous semble pourtant que des équipements tels des salles avec pupitres, un Learning lab. ou encore la mise en réseau des équipements peuvent également s’avérer nécessaires. Enfin, pour les besoins en information, évoquons notamment une mise à disposition de ressources documentaires qui met en complément les supports papier et numérique. Tout ceci ne peut s’envisager sans la volonté des organisations de tutelle : université, ministère, État et organismes internationaux.