Les politiques publiques à l’épreuve de la participation : L’expérience des projets de développement urbain au Bénin (Cas du Projet d’Aménagement Urbain et d’Appui à la Décentralisation), International Social Sciences & Management Journal, Mai 2021

Les politiques publiques à l’épreuve de la participation : L’expérience  des  projets  de  développement  urbain  au Bénin (Cas du Projet d’Aménagement Urbain et d’Appui à la Décentralisation), International Social Sciences & Management Journal, Mai 2021

Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Auteurs : DOSSOU G. Georges, BEHANZIN Précieux Christian, SAÏNOU Jadix

Organisation affiliée : International Social Sciences & Management Journal

Type de publication : Article

Date de publication : Mai 2021

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Introduction

La Conférence des Forces Vives de la Nation tenue en février 1990 a marqué l’ouverture d’une nouvelle ère de réformes destinées à engendrer des évolutions politiques et institutionnelles majeures caractérisées par la mise en œuvre de la décentralisation et de la déconcentration soulignant ainsi la volonté de rupture avec l’Etat centralisateur et unique décideur. En effet, la Constitution du 11 décembre 1990 confirme ce principe (Art. 150 à 153) en reconnaissant le droit de libre administration à des collectivités territoriales jouissant de l’autonomie financière et dirigées par des organes élus.

Au Bénin, le taux d’urbanisation en 2018, selon les statistiques de la Direction Générale du Développement Urbain est de 47%, mais il augmente rapidement avec un taux de croissance annuel de la population urbaine qui se situe à 3,67%. L’action environnementale est de fait une source d’opportunités de création de richesse et, en tant que telle, un accélérateur des transformations socioéconomiques qui permettront de relever les principaux défis auxquels doivent faire face le Bénin en matière d’insécurité alimentaire, de pauvreté et de chômage, notamment.

Il faut en définitive adopter à tous les niveaux du processus une approche participative ; participation pris selon FIDA (2001) comme étant une perception partagée et un facteur de responsabilisation conduisant à la prise de décisions en commun. Elle commence par la concertation, passe par la négociation (des problèmes, solutions et approches) pour aboutir à la prise de décisions et à l’action ; poursuit d’ailleurs cette institution de développement.

La participation, figure classique de l’action publique

La participation des citoyens à l’action publique entraîne de fait une série d’ajustements tant au sein des pouvoirs publics que de la société elle-même. Elle crée un espace de discussion légitime des nouveaux acteurs et dicte des normes communes de dialogue. Le thème de la participation n’a rien de neuf : l’action publique engage nécessairement la rencontre et la collaboration des pouvoirs publics et des acteurs sociaux (CAS, 2008). Ainsi pensée, la participation des citoyens est à la fois constante, partout et nulle part.

La participation publique est l’action de prendre part aux décisions collectives au sein du gouvernement, d’une institution publique ou d’un organisme de la société. Associée à la démocratie représentative, la participation électorale se manifeste par l’action de voter dans le but de déterminer un représentant lors d’élections qu’elles soient municipales, provinciales, fédérales, associatives ou institutionnelles. La participation sociale fait quant à elle référence à l’implication des individus dans des activités collectives dans le cadre de leur vie quotidienne.

Il faut en définitive adopter à tous les niveaux du processus une approche participative ; participation pris selon FIDA (2001) comme étant une perception partagée et un facteur de responsabilisation conduisant à la prise de décisions en commun. Elle commence par la concertation, passe par la négociation (des problèmes, solutions et approches) pour aboutir à la prise de décisions et à l’action ; poursuit d’ailleurs cette institution de développement

La participation peut alors, et à juste titre, être considérée comme un gage de succès d’un projet, de son appropriation ainsi que de sa pérennisation. La participation au développement peut être définie selon la BAD (2001) comme le processus par lequel des personnes intéressées (parties prenantes) influencent et contrôlent ensemble les initiatives de développement, les décisions et ressources qui les concernent.

Outils et méthodes de conception et de gestion participative des projets de développement

Le cadre logique est reconnu comme étant le premier outil participatif et de gestion des projets (Ky, 2012). En effet, celui- ci a connu plusieurs mutations en ce sens que la plupart des organismes qui l’on adopté ont investi dans une méthodologie plus élaborée et plus élargie aboutissant à la mise en place de cadre logique en fonction de leurs exigences respectives (Yoda, 2004).

L’approche de la Gestion du cycle de projet (GCP) se présente comme une démarche méthodologique de préparation, de mise en œuvre et d’évaluation des projets et programmes basée sur une approche impliquant les différentes parties prenantes du projet La GCP permet d’avoir un cadre de gestion moins rigide et moins linéaire.

La Gestion axée sur les résultats (GAR) a été instaurée par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) vers le milieu des années 90, pour définir avec plus de rigueur les objectifs poursuivis par les projets et programmes de développement, de concert avec les partenaires sur le terrain et au Canada (Leroy, 2009). Cette méthode se fonde sur une approche participative qui s’applique à orienter les efforts d’une organisation ou d’un projet vers les résultats attendus.

La participation des citoyens à l’action publique entraîne de fait une série d’ajustements tant au sein des pouvoirs publics que de la société elle-même. Elle crée un espace de discussion légitime des nouveaux acteurs et dicte des normes communes de dialogue

En termes de méthodes participatives de gestion des projets, la plus connue est la Méthode accélérée de recherche participative (MARP). Elle a été mise au point dans le domaine du développement rural dans les années 70. C’est l’une des premières méthodes formalisées de diagnostic rapide développée par l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), par des experts anglais, en particulier Robert Chambers. Pour des questions pédagogiques, les praticiens ont défini la MARP comme étant un processus intensif, itératif et rapide d’apprentissage orienté vers la connaissance des situations rurales (Yoda, 2004).

Elle s’appuie sur une équipe multidisciplinaire. Un accent particulier est mis sur la valorisation des connaissances et du savoir-faire des populations locales et sur sa combinaison avec la connaissance scientifique moderne. Selon Ky (2012), la réussite d’une telle méthode recommande les principes suivants : la participation, la multidisciplinarité, la valorisation du savoir traditionnel, le processus d’apprentissage, le processus itératif, la triangulation, la flexibilité, l’ignorance optimale, la visualisation, l’exploration et l’innovation. Pour favoriser la production et l’analyse de l’information, la MARP dispose « d’un sac à outils » de collecte et d’analyse de l’information. Le choix des outils s’effectue en fonction du contexte.

Participation citoyenne et gouvernance urbaine : un défi pour les projets urbains

Conceptualisé et mis en pratique dès les années 60, la participation est encore une notion floue dans laquelle se diluent souvent des illusions et des pratiques fortes contradictoires. L’OCDE décrivait en 2002, dans un document portant sur le rôle des citoyens comme partenaires de l’État (et non comme clients), trois niveaux essentiels d’implication des citoyens : (i) Information – relation unidirectionnelle, de l’organisation vers le citoyen; (ii) Consultation : relation bidirectionnelle dans laquelle les citoyens sont invités à donner leur opinion; et (iii) Participation : relation dans laquelle les citoyens sont véritablement impliqués dans le processus de décision et même dans la gestion de l’organisation.

L’idée que toute intervention dans l’urbain, qu’elle émane des mouvements sociaux ou des pouvoirs publics doit s’associer à une démarche multi acteurs, et ceci à différentes échelles (locale, régionale, nationale, internationale) apparaît de fait indiscutable. Selon Hillenkamp (2007), la gouvernance participative comme forme de domination peut permettre de comprendre les changements historiques et les niveaux d’observation de la gouvernance urbaine comme une menace pour la démocratie.

L’action publique et le renouvellement des échelles impliquent une évolution des modes opératoires d’action collective dans la gouvernance des territoires. La régulation appelle un objectif d’une plus grande efficience des politiques publiques pour mieux satisfaire à l’intérêt général. La régulation à l’échelle territoriale de l’action publique intégrant la gouvernance territoriale est un mécanisme dynamique, fondé sur un processus d’apprentissage, faisant intervenir une multiplicité d’acteurs n’appartenant pas tous à la sphère du gouvernement.

La gouvernance participative comme forme de domination peut permettre de comprendre les changements historiques et les niveaux d’observation de la gouvernance urbaine comme une menace pour la démocratie

Les acteurs des politiques urbaines peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un travail de définition des différents niveaux participatifs, de différents degrés d’implication des habitants, travail qui a été conjointement mené ces dernières années par des chercheurs, des associations et des professionnels de l’aménagement en prenant pour base l’échelle proposée à la fin des années 1960 par la sociologue américaine Sherry Arnstein.

Le développement urbain durable : Enjeux et défis au Bénin

La ville durable est ainsi une ville qui met en jeu un projet environnemental, économique et sociale. On retrouve là les trois piliers du développement durable. Mais l’organisation de la vie urbaine introduit également une dimension politique non négligeable, puisque la gouvernance locale fait également partie des enjeux de la ville durable. C’est pourquoi le quartier est souvent présenté comme l’échelle pertinente pour penser la ville durable. Il permet la prise de parole, les débats, les relations d’interconnaissances.

L’action publique et le renouvellement des échelles impliquent une évolution des modes opératoires d’action collective dans la gouvernance des territoires. La régulation appelle un objectif d’une plus grande efficience des politiques publiques pour mieux satisfaire à l’intérêt général

Et donc, à en croire un élu local de la commune d’Abomey-Calavi : « Favoriser le développement urbain durable au Bénin requiert une participation effective des acteurs à la base aux divers processus de décision et d’actions, notamment ceux en lien avec l’élaboration des documents de politiques et de stratégies (PDC et SDAC en occurrence) et la mise en œuvre des différents projets et programmes de développement. Il appelle également le renforcement des capacités technique et managériale des communes à faire face aux défis et enjeux de développement. »

Le Projet d’Aménagement Urbain et d’Appui à la Décentralisation (PAURAD) : Pourquoi, Comment, Et après ?

En un mot, il faudrait intégrer l’aspect durabilité dans les différents projets de développement qui sont formulés ; et donc prendre en compte à court, moyen et long terme les dimensions sociales, économiques et environnementales. La nouveauté apportée par la durabilité est sa compréhension des échelles spatiales, en renouvelant le regard vers l’échelle globale, régionale, locale ainsi que la mise en évidence d’une participation des citadins au modelage de leur ville.

La conférence de Johannesburg a répété la nécessité d’une gouvernance participative, dans laquelle les sociétés civiles prennent part aux processus de décision concernant les politiques de développement durable. Ce principe vise à « mettre en œuvre des processus d’information transparente, pluraliste, de consultation, de débat public, de gestion des conflits, en intégrant tous les acteurs concernés à tous les niveaux de décision, du local à l’international ».

Conclusion et perspectives

La participation ne saurait à l’image de ce qui a cours dans le cadre du PAURAD se limiter aux simples rencontres de concertation, organisées de temps à autre au cours du processus. Elle doit se traduire plutôt par la maîtrise collective des options sociales, économiques, technologiques et environnementales pour trouver des solutions à long terme aux préoccupations des populations.

Il faudrait aussi que cette maîtrise collective repose sur deux valeurs essentielles à savoir la participation et la responsabilité. En outre, il faudra promouvoir non seulement la participation citoyenne, mais aussi et surtout la participation entre acteurs du système de mise en œuvre des politiques publiques.

En définitive, la démarche participative constitue un vecteur pour nourrir et soutenir la demande sociale portée ensuite par la maîtrise d’ouvrage urbaine. Grâce à leur connaissance de leur environnement et à leur compétence d’usage, les habitants permettent une meilleure prise en compte du contexte local dans lequel s’inscrit le projet ainsi que des besoins réels des usagers.

En participant, les habitants aident à mieux considérer la dimension sociale d’un projet et, très concrètement, sont en mesure d’alerter sur tel ou tel problème. Organiser donc les conditions d’une réelle participation des habitants, c’est avant tout reconnaître leur légitimité à s’exprimer sur des projets publics qui les concernent. Et c’est bien cette démarche qui garantit l’atteinte des résultats des projets et programmes de développement.