Les forces de sécurité au Bénin: l’expérience et la confiance mitigée des citoyens, Afrobarometre, 2018

Les forces de sécurité au Bénin: l’expérience et la confiance mitigée des citoyens, Afrobarometre, 2018

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Auteur : Horace Gninafon

Organisation affiliée : Afrobaromètre

Type de publication: Rapport

Date de publication : 2018

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La sécurité des personnes, un des facteurs importants pour le bien-être de la population ainsi que le climat des investissements, ne peut être chose effective sans la proximité des forces de l’ordre avec la population, leur professionnalisme, et leur respect des droits de tous les citoyens. En vue de mieux appréhender l’opinion des citoyens sur le rôle joué par la police/ gendarmerie et les forces de défense, Afrobaromètre a posé une série de questions touchant leurs expériences et perceptions.

De façon générale, les Béninois témoignent un faible niveau de confiance envers la police et ne font souvent pas recours à leur assistance même lorsqu’ils sont victimes de vol ou d’agression physique. Des proportions importantes éprouvent des difficultés pour obtenir l’assistance de la police et avouent payer des pots-de-vin afin d’obtenir l’assistance ou d’éviter des difficultés.

Quant aux militaires, plus de Béninois leur font confiance et apprécient favorablement leur capacité de protéger le pays. Mais la majorité doutent de leur professionnalisme, tout en précisant que les forces armées ne reçoivent pas toujours la formation et le matériel nécessaires pour être efficaces.

L’enquête Afrobaromètre

Six séries d’enquêtes ont été réalisées entre 1999 et 2015, et les enquêtes du Round 7 sont actuellement en cours (2016/2018). Afrobaromètre mène des entretiens face-à-face dans la langue du répondant avec des échantillons représentatifs à l’échelle nationale.

L’équipe Afrobaromètre au Bénin, dirigée par l’Institut de Recherche Empirique en Économie Politique (IREEP), a interviewé 1.200 adultes béninois en décembre 2016 et janvier 2017.Un échantillon de cette taille donne des résultats avec une marge d’erreur de +/- 3% à un niveau de confiance de 95%. Des enquêtes précédentes ont été menées au Bénin en 2005, 2008, 2011, et 2014.

Résultats clés

▪ Un tiers (33%) des Béninois résident dans des zones dans lesquelles nous notons la présence des postes de police et/ou de gendarmerie. Les policiers/gendarmes semblent plus présents dans les zones que les militaires.

▪ Parmi les 7% de Béninois qui ont eu recours à l’assistance de la police durant les 12 mois précédent l’enquête, la moitié (49%) affirment qu’il était « difficile » ou « très Copyright ©Afrobaromètre 2018 2 difficile » d’obtenir les services dont ils avaient besoin. Un-tiers (33%) de ces répondants ont versé des pots-de-vin ou ont fait un cadeau ou une faveur à un agent de police afin d’obtenir cette assistance.

▪ Parmi les 19% qui ont eu affaire avec la police dans d’autres situations, comme les postes de contrôle, les Béninois sont majoritaires (55%) à avoir eu à verser des potsde-vin afin d’éviter de rencontrer des difficultés.

▪ La moitié (51%) des Béninois désapprouvent la performance du gouvernement dans la réduction de la criminalité.

▪ La moitié (52%) des répondants affirment que les forces armées protègent « souvent » ou « toujours » leur pays contre les menaces sécuritaires internes et externes. Mais juste quatre Béninois sur 10 (41%) pensent que les forces armées reçoivent « toujours » ou « souvent » la formation et le matériel nécessaires pour être efficaces.

▪ La même faible proportion (42%) disent que les forces armées travaillent « toujours » ou « souvent » avec professionnalisme et respectent les droits de tous les citoyens.

▪ La confiance des Béninois envers les forces de sécurité est mitigée: 57% font « partiellement confiance » ou « très confiance » aux forces armées et 51% aux policiers/gendarme. Disponibilité des infrastructures et présences des forces de sécurité Dans chaque zone de dénombrement de l’enquête Afrobaromètre, il a été demandé aux enquêteurs de noter si certaines infrastructures sont disponibles dans la zone ou à distance de marche. Sur cette base, un tiers (33%) des citoyens béninois résident dans les zones où nous notons la présence des postes de police et/ou de la gendarmerie (Figure 1).

Ces postes sont largement plus observés en milieu urbain (56%) qu’en milieu rural (12%). Les départements du Couffo (0%), de la Donga (15%), et de l’Atacora (19%) sont les moins fournis en termes de disponibilité de ce type d’infrastructure. Par contre, environ un Béninois sur deux dans les départements des Collines (59%) et de l’Atlantique (48%) réside dans les zones où nous retrouvons les postes de police et/ou de gendarmerie. Comme l’indique la Figure 2, les personnels des forces de sécurité eux-mêmes sont généralement moins fréquemment observés dans les zones. La présence des policiers/gendarmes ou des véhicules de police/gendarmerie se fait plus ressentir que celle des militaires ou des véhicules de l’armée.

 

Expériences des citoyens avec les forces de sécurité

La police Environ

un Béninois sur 14 (7%) affirment avoir eu recours à l’assistance de la police pendant les 12 mois précédant l’enquête (Figure 3). On note que 30% des citoyens affirment avoir été victime de vol dans leur maison, et 11% victime d’attaque physique, pendant la même période. Ces résultats suggèrent que beaucoup de victimes de crime ne font pas recours à la police.

Lorsqu’il a été demandé aux Béninois le nombre de fois qu’ils ont eu affaire à la police dans d’autres situations, comme les postes de contrôle, au cours des arrêts de contrôle d’identité, ou lors d’une enquête, ils sont plus nombreux (19%) à répondre par l’affirmative (9% pour ceux qui disent « une ou deux fois », 6% « quelques fois », et 4% « souvent »).

La moitié des répondants (49%) ayant eu recours à l’assistance de la police ont « difficilement » ou « très difficilement » obtenu les services dont ils avaient besoin. Les résidents ruraux (60%) et les femmes (53%) éprouvent plus cette difficulté que les urbains (39%) et les hommes (47%) (Figure 4). L’obtention de ces services n’est pas chose immédiate. En effet, c’est seulement un-tiers (32%) des répondants qui ont immédiatement obtenu l’assistance dont ils avaient besoin auprès de la police (Figure 5). En plus, 30% l’ont obtenu après un délai court. Mais 29% ont dû attendre « longtemps », et 9% n’ont « jamais » obtenu l’assistance dont ils avaient besoin.

un Béninois sur 14 (7%) affirment avoir eu recours à l’assistance de la police pendant les 12 mois précédant l’enquête (Figure 3). On note que 30% des citoyens affirment avoir été victime de vol dans leur maison, et 11% victime d’attaque physique, pendant la même période. Ces résultats suggèrent que beaucoup de victimes de crime ne font pas recours à la police

Une proportion importante (33%) des répondants ayant eu recours à l’assistance de la police reconnaissent avoir même versé au moins une fois un pot-de-vin ou fait un cadeau ou une faveur à un agent de police afin d’obtenir l’aide dont ils avaient besoin (Figure 6).

Le versement des pots-de-vin semble encore plus fréquent quand il s’agit d’éviter des difficultés avec la police. Les répondants ayant eu affaire avec la police lors des postes de contrôle, au cours des arrêts de contrôle d’identité, lors d’une enquête, etc., sont majoritaires (55%) à reconnaitre avoir eu à verser au moins une fois des pots-de-vin ou fait un cadeau ou une faveur à un agent de police afin d’éviter des difficultés.

Plus le niveau de pauvreté vécue des répondants augmente, moins ils sont enclins à affirmer la réactivité de la police: 62% de ceux ayant vécue une pauvreté élevée disent qu’il est « quelque peu probable » ou « très probable », contre 82% de ceux n’ayant pas été affecté par la pauvreté. De grandes disparités s’observent également lorsque nous faisons l’analyse en fonction du département, allant de 56% dans le département de l’Ouémé à au moins huit citoyens sur 10 dans les départements du Mono (88%), de l’Alibori (81%), du Borgou (79%), et des Collines (79%).

Mais les citoyens ont un regard plus critique quant à la performance du gouvernement dans la réduction de la criminalité. Même si la question de l’insécurité et du crime n’arrive qu’en 10ème position parmi les problèmes les plus importants auxquels le gouvernement devrait répondre, bien après la gestion de l’économie, le chômage, l’accès à l’eau, la pauvreté, et d’autres priorités, les Béninois sont majoritaires (52%) à désapprouver les efforts gouvernementaux dans ce domaine (Figure 9). Cette proportion a augmenté de 6 points de pourcentage entre 2011 et 2017.

Confiance des citoyens envers les forces de l’ordre Sur la base des expériences vécues avec la police ainsi que les perceptions sur le professionnalisme et la capacité des forces armées, il n’est peut-être pas surprenant que la confiance des citoyens aux forces de sécurité soit mitigée. Près de six Béninois (57%) font « partiellement confiance » ou « très confiance » aux forces armées de leur pays, contre 42% qui leur font « juste un peu » ou « pas du tout » confiance (Figure 15). Le niveau de confiance exprimé à l’endroit de la police et/ou la gendarmerie est encore plus faible: C’est seulement la moitié (51%) des répondants qui leur font « partiellement confiance » ou « très confiance ».