Le traitement judiciaire du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en république du Bénin, Édouard Cyriaque Dossa, 2018

Le traitement judiciaire du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en république du Bénin, Édouard Cyriaque Dossa, 2018

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Auteur : Edouard Cyriaque DOSSA

Organisation affiliée: KAS African Law Study Library

Type de publication : Article

Date de publication : 2018

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Des poursuites ératiques

En cas de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, des poursuites sont possibles. Celle du droit commun est encore plus engagée, mais difficile à aboutir  que celle d’exception laquelle n’est qu’un creuset d’enlisement.

Cas où le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont qualifiés de délits ou de crimes

Selon l’article 29 de la loi uniforme de 2004 sur le blanchiment de capitaux et l’article 21 de la loi uniforme sur le financement du terrorisme, lorsque les opérations font état de ce que des faits sont susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment de capitaux ou celle du financement du terrorisme, la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières transmet un rapport sur lesdits faits au procureur de la République, lequel saisit immédiatement le juge d’instruction. A la lecture de ces dispositions, il est remarqué qu’il y a une tendance à obliger le procureur à poursuivre sans avoir une appréciation personnelle des faits.

La mise en mouvement de l’action publique pour le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme ôte au procureur la possibilité d’examiner la réalité des faits délictueux commis et dont il n’a que la charge de transmission du rapport y afférent. Il en perd également la qualification des faits, si bien que la question se pose à la judiciaire de savoir quelle forme prendra la saisine immédiate du juge d’instruction.

La leçon à tirer est que souvent, les dossiers relatifs au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme sont de gros dossiers qui repoussent toutes volontés de bien faire. Alors, ils sont favoris pour recevoir application de la paresse des magistrats, non seulement à la phase de l’accomplissement des actes, mais aussi et surtout lors de la prise du réquisitoire définitif. Il faut donc, pour bien parvenir à une efficacité escomptée, confier ces informations aux juges qui sont spécialisés dans les matières de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

Une poursuite plus ou moins particulière

Selon la formulation de l’article 29 commun à toutes les lois nationales portant lutte contre le blanchiment, « lorsque les opérations mettent en évidence les faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment de capitaux, la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières transmet un rapport sur ces faits au procureur de la République, qui saisit immédiatement le juge d’instruction ». L’article 21, commun aux lois nationales portant lutte contre le financement du terrorisme, dispose que : « lorsque les opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de financement du terrorisme, la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières transmet un rapport sur les faits au procureur de la République, qui saisit immédiatement le juge d’instruction »

Il est des cas où des circonstances de commission des infractions de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme sont assimilables à la flagrance. Il s’agit de ces infractions, même non flagrantes de nature, qui sont traitées comme telles parce qu’elles sont commises dans l’enceinte d’une maison ou d’une structure et dont le chef de la maison ou de la structure dont s’agit a requis un officier de police judiciaire pour les constater.

L’autorité du Juge

Il est disposé à l’article 3 de la loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux que « … il y a blanchiment de capitaux même:

  • si l’auteur des crimes ou délits n’a été ni poursuivi, ni condamné; ● s’il manque une condition pour agir en justice à la suite desdits crimes ou délits ». ● Cette incantation n’a sa place discutable qu’en théorie. Dans sa mise en œuvre, elle s’enlise dans des difficultés qui ne prendront pour bout du tunnel que sa remise en cause. En laissant subsister quelques principes sacro-saints de la procédure pénale qu’elle offre d’éradiquer, la formule de cet article supra visé permet néanmoins de faire remarquer que la retenue du sursis à statuer est un corollaire à risque. Aussi, l’audition des parties civiles semble-t-elle offrir toutes les garanties d’une impossibilité à suivre les règles classiques.

Les insuffisances de la Constitution

Des insuffisances de la Constitution peuvent être relevées tant au niveau de la composition de la Juridiction, de la procédure, de la compétence rationae personae que de la compétence rationae materiae de la Haute Cour de Justice. Il s’agit là, des insuffisances de surface qui s’accompagnent des déficiences de profondeur.

Une tropicalisation législative manquée

La pénalisation des infractions économiques et financières, plus spécifiquement du blanchiment de capitaux semble, pour des Africains, une provocation de quelques coutumes ancestrales. Il sera extrêmement difficile de démontrer au continent noir que le combat contre le blanchiment de capitaux n’est guère dirigé contre les tenanciers des normes authentiques. Ce serait l’une des causes du non fréquentation annoncée des prétoires. Ce qui fait peur aux délinquants financiers, ce ne sont plus les magistrats mais les forces invisibles comme le tonnerre et autres divinités menant un combat d’assainissement ou de purge sociale.

Les contraintes extrinsèques aux dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Plus d’une contrainte existent extrinsèquement aux dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il s’agit, entre autres, des obstacles relevant de l’éthique : il n’est pas rare de constater la destruction volontaire des éléments de preuves par les délinquants et souvent, ensemble et de concert avec des Officiers de Police Judiciaire; la corruption de quelques agents qui privilégient leurs intérêts personnels au détriment du bon aboutissement de la procédure; le défaut de diligence de certains Magistrats qui laissent prescrire des dossiers d’infractions économiques et financières.

Il arrive que le juge fasse face à une hiérarchie toute puissante qui l’oblige parfois à classer des dossiers surtout économiques et financiers sans suite. On y ajoute : l’existence de certains personnages intouchables, l’indulgence suspecte et persistante des autorités à l’égard de potentats douteux; des obstacles culturels plus précisément anthropologiques : elles sont l’œuvre d’une divinité communément désignée au sud du Bénin, « dan » qui veut dire en français : « serpent ».

C’est une divinité qui vous confère des gains, d’argent facile, inattendus, miraculeux ou encore des fonctions auxquelles vous n’étiez pas destiné. En bref, elle vous offre le bonheur, quel qu’il soit alors que vous n’étiez pas dans l’espérance.