Le service de santé sexuelle et reproductive : une offre marginale aux adolescents au nord du Benin, Revues de l’ACAREF, 2021

Le service de santé sexuelle et reproductive : une offre marginale aux adolescents au nord du Benin, Revues de l’ACAREF, 2021

Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Auteurs : Loukoumanou ADAM NOUHOUN et Abou-Bakari IMOROU

Organisation affiliée : Revues de l’ACAREF

Type de publication : Article

Date de publication : 2021

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Brève contextualisation de la santé sexuelle et reproductive au Bénin

La Santé de la reproduction (SR) au Bénin a été pendant longtemps assimilée à la Planification Familiale (PF). Cette dernière est, en effet la première forme de la Santé de la Reproduction qu’a connue le pays, à l’instar de la plupart des autres nations africaines. Celle-ci s’entend comme « l’ensemble des méthodes permettant aux parents de décider du nombre et de l’espacement des naissances, et en particulier des méthodes permettant d’éviter la grossesse ».

Autrement dit, ce qui importait, c’était d’avoir des populations peu nombreuses, en harmonie avec la nécessité du développement. Les activités de santé de la reproduction, notamment la planification ont démarré au Bénin avec le Projet santé maternelle et infantile et la planification familiale à partir de 1982. Mais, il faut souligner que l’Association Béninoise pour la Promotion de la Famille (ABPF) menait depuis sa création en 1970 des activités de sensibilisation et plus tard de services en planification familiale.

Ces activités de PF, permettent également d’assurer la santé de la mère et celle des enfants. Ceci a permis d’étendre progressivement le champ de la santé de la reproduction. Celui-ci prend désormais en compte la santé sexuelle et la régulation de la fécondité. Dans cette perspective, les dimensions telles que la contraception, les grossesses non désirées, les complications de la grossesse, de l’accouchement et de l’avortement, l’infécondité, les infections génitales, les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA, les cancers de sein et de l’appareil génital, les morbidités et les mortalités maternelles et infantiles ainsi que les mutilations et les violences sexuelles sont désormais du domaine de la Santé de la Reproduction.

Un des facteurs qui peut aussi expliquer l’inexistence du service de santé sexuelle reproductive est bien l’absence d’un personnel exclusivement destiné à des tâches relevant de ce domaine de compétence

Cela dit au Bénin, la question de la SR déborde largement le seul « aspect technique de la Planification Familiale, en considérant les différents facteurs et motifs affectant les comportements reproductifs, tels que le rôle des hommes, les relations de pouvoir entre les sexes, le statut de la femme, le rôle des institutions sociales dans les stratégies de reproduction de même que dans les choix individuels ». Elle embrasse un large spectre de champs dans la santé publique. Dès lors, les services de planning familial sont disponibles pour tous (femmes, hommes, adolescents et jeunes, personnes célibataires et mariées…). Cependant, l’accès à ces services pour les adolescentes et les jeunes filles se heurte à de nombreuses difficultés d’ordre socioculturel et économique ainsi qu’à celle institutionnelle notamment en ce qui concerne les relations entre les personnels de santé et les bénéficiaires. 

L’offre des services de santé sexuelle et reproductive aux jeunes à Kandi

La commune de Kandi fait partie des premières à bénéficier des appuis des partenaires dans le département de l’Alibori. Toutefois, la question de la santé sexuelle et reproductive des jeunes reste un problème fondamental. Autrement dit, la demande des services de santé sexuelle et de reproduction par les jeunes et adolescents est très faible dans cette commune.

En dépit de la mise en place des stratégies avancées assurées par les agents de santé et les relais communautaires, et malgré les campagnes grand public périodiques qui sont organisées dans le cadre des activités des différents prestataires, l’hôpital de référence de la commune peine à offrir ce service de santé sexuelle aux jeunes. L’inexistence de ce service pourrait trouver son fondement dans les perceptions et les pratiques socioculturelles propres à toute cette aire socioculturelle baatonu. Il serait également loisible d’évoquer entre autres facteurs de la sous exploitation des services, la sous-information des jeunes et le secret/tabou qui entourent les questions relatives au sexe.

Un des facteurs qui peut aussi expliquer l’inexistence du service de santé sexuelle reproductive est bien l’absence d’un personnel exclusivement destiné à des tâches relevant de ce domaine de compétence. Les agents de santé commis à ce secteur sont des agents multifonction. L’exercice des tâches de SSRJ est pour eux une activité secondaire ou supplémentaire. Ainsi, submergés par les tâches cliniques quotidiennes, les agents ne disposent pas d’assez de marges de manœuvres pour engager des stratégies d’interventions de proximité. En lieu et place des actions en stratégies avancées, on assiste plutôt à des interventions ponctuelles et sporadiques in situ dans les centres de santé. Ce qui ne permet de prendre en charge toutes les filles désireuses de ce service.

L’accessibilité culturelle

Dans la commune de Kandi, le cliché social suscité par les filles reconnues pour solliciter les prestations de santé de la reproduction, et surtout celles de planification familiale sont, par transposition celle des femmes de joie. En effet, dans l’imaginaire des communautés, les prestations de planification familiale sont exclusivement destinées aux travailleuses de sexe ou aux personnes désireuses de s’adonner à des pratiques similaires. De ce fait, les jeunes filles qui « osent » recourir aux prestations de planning familial ou autres moyens de contraception sont considérées par leur communauté comme étant des filles de mœurs légères, sans aucune considération morale. Elles sont présentées comme des personnes non recommandables, et constituent de ce fait des contre exemples pour les autres filles.

L’accessibilité géographique

Il convient également de faire remarquer que dans cette commune, la disponibilité et la variété des prestations, des méthodes et des techniques relatives à la contraception est presque problématique. En effet, en dehors des formations sanitaires et des pharmacies, les points de délivrance des prestations relatives à la santé de la reproduction sont pratiquement inexistants. Les préservatifs sont certes disponibles dans les buvettes et restaurants, de même que dans les maisons closes (chambres de passage). Mais, les jeunes filles qui fréquentent ces points de vente de produits de contraception véhiculent une image sociale dégradante au sein de la communauté. Elles sont considérées comme étant des dépravées. Les stratégies avancées que constituent les campagnes grand public de sensibilisation périodiques organisées dans le cadre des activités des différents acteurs intervenant dans la délivrance des services de santé de la reproduction apparaissent largement insuffisantes.

Par ailleurs, Kandi constitue, l’hôpital de référence dans la zone sanitaire Kandi-Gogounou –Ségbana. De nombreuses localités de cette commune sont difficilement accessibles du fait de l’impraticabilité des voies qui y conduisent. Cette situation est plus aggravée pendant la saison des pluies. En effet, la plupart de ces localités se retrouvent pratiquement coupées du reste de la commune durant toute cette période de pluie. De ce fait, ces zones rurales enclavées demeurent faiblement couvertes par les structures s’occupant des questions de santé de la reproduction.

Le manque de confidentialité comme facteur de blocage des demandes en santé sexuelle et reproductive

Plusieurs préoccupations sont intériorisées par les jeunes et adolescents qui visitent les centres de prise en charge en matière de santé sexuelle et reproductive : Comment se rendre dans ces services sans être vu ? Comment être certain que le personnel de santé pourra garder cette relation secrète compte tenu du grand nombre d’agents présents parfois dans une salle de consultation ? Il y a également cette honte qui intervient lorsque la patiente est en interaction avec un professionnel de santé masculin. Elle accentue la distance entre les jeunes filles et les personnels de santé. Les jeunes filles refusent ainsi de se déshabiller pour l’examen clinique, ou bien elles sont gênées de s’exprimer en présence d’un homme.

Les personnels de santé reconnaissent que ce sentiment de honte peut avoir une influence négative dans la relation professionnel/patient. Ces cas de figurent montrent clairement qu’il existe plusieurs facteurs de blocage en matière d’offre et de demande des services publics aux populations.

Les demandeurs de ces services, notamment les jeunes et adolescentes fustigent le discours moralisateur du personnel de santé. Cela explique cette réticence des demandeurs de ce service qui sont parfois confronte aux préjugés et aux normes morales en vigueur dans leur milieu. Ils expliquent d’ailleurs leur désaffection desdits centres par les invectives répétées des personnels soignants à leur égard.