La prévention du terrorisme au Bénin et au Togo doit être fondée sur des données probantes, Institut d’Etudes de Sécurité, Janvier 2021

La prévention du terrorisme au Bénin et au Togo doit être fondée sur des données probantes, Institut d’Etudes de Sécurité, Janvier 2021

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Auteurs : William Assanvo, Jeannine Ella Abatan et Michaël Matongbada

Type de publication : Article

Date de publication : 28 janvier 2021

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Depuis 2016, la menace liée à l’extrémisme violent est une source de préoccupation pour le Bénin et le Togo. Les groupes extrémistes violents continuent de mener des attaques dans des zones proches des frontières que ces pays partagent avec le Burkina et le Niger, voire sur leur territoire même.

La compréhension des causes et des dynamiques qui sous-tendent l’extrémisme violent reste limitée chez la plupart des acteurs de la société civile et des médias des deux pays. Leurs perceptions ne sont pas fondées sur des données probantes, tout comme leurs connaissances des acteurs à l’origine de cette insécurité, de leurs objectifs, de leurs stratégies d’implantation, ainsi que de ce qui motive ou conduit certains individus à s’associer à des groupes extrémistes violents.

Cette compréhension partielle du phénomène se reflète dans la conception des initiatives de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent mises en œuvre par ces acteurs. Ces initiatives ne traitent pas des causes et facteurs de vulnérabilité de l’extrémisme violent et ne permettent pas non plus de renforcer la résilience des communautés locales.

La contribution des médias à la prévention de l’extrémisme violent au Bénin et au Togo demeure sous-exploitée

Dans les deux pays, l’extrémisme violent est largement perçu comme une menace provenant avant tout de l’extérieur. La vulnérabilité du Bénin et du Togo résulterait de leur proximité avec le Burkina, le Niger et le Nigeria, où maintes attaques attribuées ou revendiquées par des groupes extrémistes violents ont été enregistrées depuis plusieurs années.

Dans les deux pays, l’extrémisme violent est largement perçu comme une menace provenant avant tout de l’extérieur

La rhétorique adoptée par les groupes extrémistes violents, empreinte de références religieuses, apparaît aux yeux de la plupart des acteurs de la société civile et des médias comme le principal trait caractéristique, identifiant et mobilisateur de ces groupes. La prolifération de mosquées et d’écoles coraniques dans les régions septentrionales du Bénin et du Togo est ainsi perçue comme un signe précurseur de l’extrémisme violent.

Les éleveurs transhumants et les bergers appartenant à la communauté peule sont perçus comme des collaborateurs des groupes extrémistes, voire assimilés eux-mêmes à des extrémistes. Ils seraient ainsi en position d’offrir des possibilités d’infiltration dans les États côtiers aux groupes extrémistes violents. Les conditions socio-économiques, notamment la pauvreté et le chômage, sont également perçues comme des facteurs facilitant l’émergence du terrorisme dans le nord du Bénin et du Togo.

La participation de la société civile doit aller au-delà de la simple nomination de représentants aux comités

La majorité des acteurs de la société civile et des médias méconnaissent les dispositifs institutionnels mis en place au niveau national pour faire face au phénomène. Il s’agit notamment du Comité interministériel de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent (CIPLEV) au Togo, et du Comité de haut niveau pour la lutte contre le terrorisme et l’insécurité aux frontières (CLTIF) au Bénin, ainsi que de l’unité chargée de sa mise en œuvre.

La majorité des acteurs de la société civile et des médias méconnaissent les dispositifs institutionnels mis en place au niveau national pour faire face au phénomène

La place accordée à la société civile dans ces dispositifs varie en fonction des pays. Au Bénin, le CLTIF est une structure étatique composée exclusivement de responsables de l’administration appartenant majoritairement aux secteurs de la défense et de la sécurité. Au Togo par contre, le CIPLEV comprend deux représentants de la société civile et trois représentants de différentes confessions religieuses (catholique, protestante et musulmane).

Une représentation de la société civile est également prévue au niveau des comités locaux du CIPLEV, ainsi que des représentants d’organisations de femmes, de jeunes, de personnes handicapées, et de différentes confessions religieuses. Toutefois, la réelle représentativité des personnes désignées et leur contribution aux actions du CIPLEV suscitent très souvent des questions.

La société civile devrait être placée au centre de la conception et de la mise en œuvre des réponses à l’extrémisme violent

L’implication de la société civile doit aller au-delà du seul fait de désigner des représentants au sein des dispositifs étatiques en place. Ces acteurs devraient être placés au centre de la conception et de la mise en œuvre d’actions sur le terrain, au plus près des communautés, et devraient également être associés au suivi et à l’évaluation de ces projets.

La contribution active de la société civile et des médias peut permettre une meilleure sensibilisation et mise en œuvre des initiatives gouvernementales. Une participation effective de ces acteurs devra s’accompagner de davantage d’initiatives de renforcement des capacités visant à leur permettre de développer une meilleure compréhension du phénomène de l’extrémisme violent, de sa nature, des acteurs, des dynamiques qui l’alimentent et des vulnérabilités aux niveaux local et national. Elle doit également promouvoir une meilleure compréhension des dispositifs étatiques de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent existants.