La municipalité au Bénin, Une institution garante de développement durable? Afro Baromètre, Mars 2018

La municipalité au Bénin, Une institution garante de développement durable? Afro Baromètre, Mars 2018

Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Auteurs : Romaric Samson et Richard Houessou

Organisation affiliée : Afro baromètre

Type de publication : Enquête

Date de publication : Mars 2018

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Introduction

Au Bénin, depuis la mise en place des premiers conseils communaux et municipaux en février 2003, la décentralisation est devenue pour les différents acteurs à divers niveaux l’un des piliers du processus de développement. Ainsi, une meilleure gouvernance des affaires locales devrait constituer des éléments fondamentaux du processus.

En effet, les conseils communaux sont amenés à assumer un certain nombre de fonctions qui étaient assurées par l’état central tels que maintenir l’hygiène dans la commune et dans les marchés, de collecter les patentes sur les vélos et prélever certaines taxes. Afin de contrôler les ressources financières affectées aux structures locales, l’état central a institué en 2008 le Fond d’Appui au Développement des Communes (FADeC) dont le mécanisme consiste en l’allocation des ressources financières aux organes élus à la base.

Résultats clés

▪ Plus de sept Béninois sur 10 n’ont jamais de contact avec un conseil municipal au sujet d’un problème important ou pour lui donner son point de vue. Les femmes sont encore moins enclines que les hommes à contacter leur représentant local.

▪ Six Béninois sur 10 désapprouvent la performance de leur conseil municipal dans l’entretien des routes et des places de marché local ainsi que le maintien propre de la communauté. Entre 2005 et 2014, les perceptions de la gestion des routes et du maintien propre de la communauté se sont dégénérées avec une différence de plus de 10 points de pourcentage.

▪ Pour la plupart, les citoyens qui ont eu contact avec un conseil municipal se prononcent de la même façon que ceux qui n’ont pas eu contact. Mais la désapprobation de la gouvernance locale est plus élevée parmi les mieux éduqués ainsi que les plus pauvres.

▪ La moitié (53%) des Béninois font « partiellement » ou « très » confiance à leur conseil municipal, une statistique qui est relativement stable au cours du temps. Mais la confiance varie par département, de 36% au Littoral à 74% au Borgou.

▪ Une meilleure confiance semble être corrélée à une meilleure gouvernance. Les départements qui ont un faible niveau de développement sont ceux dans lesquels l‘activité de l’autorité locale est le mieux apprécié.

▪ Plus de la moitié (52%) des citoyens ont une forte propension à exprimer leur citoyenneté en participant aux réunions communautaires, mais seulement 16% ont au moins une fois, pendant l’année écoulée, assisté à une reddition des comptes du conseil municipal ou la mairie.

▪ Il existe une corrélation positive entre la bonne gouvernance et la participation citoyenne.

▪ Informer les populations sur le programme d’action et le budget du conseil municipal et mener des activités en faveur des groupes marginalisés sont des actions qui affectent positivement l’évaluation de la performance de la gouvernance locale.

Mauvaise performance de l’autorité locale

On constate que pour l’ensemble des trois préoccupations, plus de deux-tiers des Béninois disent que la performance du conseil municipal est mauvaise (soit « très mal » ou « plutôt mal ». De façon spécifique, dans l’entretien des routes de la commune, les statistiques sont plus alarmantes. En effet, entre 2005 et 2014, la proportion de ceux qui désapprouvent la performance du conseil municipal à évoluée de 11 points de pourcentage, soit de 63% en 2005 à 74% en 2014, avec un pic de 79% en 2011. Pour ce qui est de l’entretien de la communauté, cette proportion de désapprobation a augmenté de 13 points.

Perception de la gouvernance locale selon le niveau d’éducation et de pauvreté

Quel que soit le niveau d’instruction des citoyens, ils ont une appréciation négative de la performance de la gouvernance locale. Toutefois, on note que ce sont ceux ayant un niveau post-secondaire qui désapprouvent le plus la performance de la gouvernance locale. Par exemple, considérant l’entretien des routes, 88% de ceux instruits du niveau post-secondaire disent que la performance du conseil municipal est « très mal » ou « plutôt mal », suivis de ceux des niveaux primaire (77%), secondaire (73%), et enfin les noninstruits (71%).

Entre 2005 et 2008, la quasi-totalité les Béninois, quelque que soit leur niveau de pauvreté, désapprouvent la performance de l’autorité locale, mais avec une proportion plus élevée selon la gravité de la pauvreté. On note deux tendances pour l’entretien des routes: De 2005 à 2011, les statistiques sont croissantes avec une différence de 13 points de pourcentage pour les non-pauvres (de 61% à 74% qui répondent « plutôt mal » ou « très mal »), de 23 points pour ceux vivant dans la pauvreté faible (de 54% à 77%), de 13 points pour les pauvres modérés (de 67% à 79%), et de 9 points pour ceux vivant entièrement dans la pauvreté (de 74% à 83%).

Puis, la désapprobation se décline en deux groupes: ceux pour qui la désapprobation de la gouvernance locale reste élevée (les Béninois dans la pauvreté élevée et dans la pauvreté modérée) et le groupe de ceux pour qui les statistiques baissent pour se situer à 49% et 69%, respectivement, pour les non-pauvres et ceux faiblement pauvres.

Confiance au conseil municipal et gouvernance locale

Au regard des coefficients de corrélation, il existe une relation positive entre la confiance et la perception de la performance du conseil municipal. C’est-à-dire que les communes pour lesquelles les proportions de citoyens ayant « partiellement » ou « très » confiance au conseil municipal sont élevées sont des communes où les proportions de désapprobation de la gouvernance locale sont faibles. A contrario, lorsque les proportions de confiance sont faibles, les communes semblent se caractériser par un taux de mauvaise gouvernance très élevé aussi bien pour l’entretien des routes et des places de marché locale que pour le maintien de la communauté. Ceci suggère que, globalement, il y a un lien entre la confiance publique et la gestion des routes, des places de marché, et l’assainissement de la communauté.

Gouvernance locale et développement durable à la base

La gouvernance locale est considérée comme une réponse aux problèmes de développement que rencontrent les états africains. Ainsi, une bonne gouvernance locale implique la mise en œuvre de règles, procédures, institutions, et mécanismes permettant aux citoyens d’exprimer leurs intérêts, d’exercer leurs droits, et de participer au développement de leur localité.

En effet, les conseils communaux sont amenés à assumer un certain nombre de fonctions qui étaient assurées par l’état central tels que maintenir l’hygiène dans la commune et dans les marchés, de collecter les patentes sur les vélos et prélever certaines taxes. Afin de contrôler les ressources financières affectées aux structures locales, l’état central a institué en 2008 le Fond d’Appui au Développement des Communes (FADeC) dont le mécanisme consiste en l’allocation des ressources financières aux organes élus à la base

Par ailleurs, l’expression « bonne gouvernance » s’est imposée pour désigner un mode de gouvernance caractérisé par le respect des droits humains, l’ouverture politique, la participation, la tolérance, la capacité administrative, l’efficience, et l’établissement de partenariats afin d’assurer une prise de décision basée, d’une part, sur de larges consensus au sein de la société et, d’autre part, sur la prise en considération du point de vue des pauvres.

Rôle de la participation citoyenne au sein des communes

La culture de participation citoyenne est considérée comme un cheval de bataille de la bonne gouvernance. Par ailleurs, il ressort de la théorie que la décentralisation démocratise davantage l’action publique en rapprochant les décideurs des citoyens et, selon Leftwich (1993), cette proximité, qui faisait défaut au système politique centralisé, favorise la participation citoyenne et rend les gouvernants locaux plus responsables et compétents et moins corrompus que les gouvernants centraux.

Gouvernance locale et participation citoyenne

On note une corrélation positive entre la bonne gouvernance et la participation citoyenne. Par exemple, les communes de Atacora, Collines, Borgou, et Alibori qui ont massivement démontré la participation aux réunions communautaires avaient eu de meilleure performance gouvernementale. Assister à une réunion publique organisée par le conseil municipal ou la mairie étant positivement corrélée à la performance du conseil municipal suggère que les citoyens sont prêts à assister à une réunion de la mairie au fur et à mesure qu’ils apprécient la performance de la mairie dans la gestion du patrimoine communal.

Si la bonne gouvernance locale accroit la participation citoyenne, il est toutefois évident qu’en présence de données, l’on pourrait aussi tester l’argument que la participation citoyenne improuve l’activité de l’autorité locale et par voie de conséquence la gouvernance locale.

Résultats et discussion

Le niveau de confiance est un déterminant clé de la bonne gouvernance locale. Ainsi, plus les citoyens font confiance au conseil municipal, plus il y aura une meilleure complicité en faveur de la bonne gestion locale. De plus, lorsque les dirigeants des partis politiques dans ce pays sont plus préoccupés de servir les intérêts du peuple, cela influence positivement la performance de la gouvernance locale.

Les résultats indiquent que plus les citoyens ne sont instruits, mieux ils désapprouvent la performance des élus locaux. De même, ceux qui mènent une activité ou ont un emploi sont plus enclins à ne pas approuver la performance locale. La perception de l’implication des conseillers municipaux dans des affaires de corruption dégrade l’évaluation de la performance de gouvernance locale.

Mais certaines actions conduite par le conseil municipal/communal semble affecter positivement et significativement mais a des seuils différents la performance de la gouvernance locale. Il s’agit de (i) informer les populations sur le programme d’action du conseil, (ii) informer les populations du budget du conseil, et (iii) mener des activités en faveur des groupes marginalisés.

Conclusion

La bonne gouvernance locale est marquée par la redevabilité en ce sens que la reddition des comptes est considérée comme un tremplin. En effet, assister à une réunion publique ou à une reddition des comptes organisée par l’autorité locale devient un résultat visible de la bonne performance du conseil municipal au même titre que d’autres variables de participation politique.

Les résultats de l’analyse économétrique ont ressorti le lien entre plusieurs facteurs, comme la confiance publique, la pauvreté vécue, le niveau de l’éducation, le statut d’emploi, et la fréquence de contacter les médias, avec la performance de la gouvernance locale. Aussi, l’autorité locale, en entreprenant des actions, consolide non seulement la clientèle mais aussi la gouvernance locale. Il s’agit par exemple pour lui de mener des activités en faveur des groupes marginalisés et d’informer la population sur son programme et son budget.