Education Inclusive En République Du Bénin : L’expérience Des Apprenants Du Centre De Malentendants De Louho À Porto-Novo, ESI, May 2021

Education Inclusive En République Du Bénin : L’expérience Des Apprenants Du Centre De Malentendants De Louho À Porto-Novo, ESI, May 2021

Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Auteurs : Abla Sesime Djissenou, Razacki Raphael Kélani et Patrick Houessou

Organisation affiliée : European Scientific Institute

Type de publication : Article

Date de publication : May 2021

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Scolarisation et Educabilité des enfants souffrant d’un handicap auditif

Tous les interviewés sont unanimes, à part le groupe des parents d’élèves, pour déclarer que la scolarisation et l’éducation des enfants souffrant d’un handicap auditif sont possibles. Cependant, chaque groupe met un bémol à cette possibilité. Le leitmotiv des gestionnaires du centre est que malgré son incapacité à percevoir clairement les sons et à entendre, l’enfant sourd peut réussir dans tous les domaines d’apprentissages et s’épanouir pleinement pour s’insérer harmonieusement dans la vie professionnelle si les mesures idoines sont prises par l’école.

Selon les superviseurs pédagogiques, la scolarisation et l’éducation des sourds sont possibles mais de préférence dans les écoles spécialisées dans ce domaine et exclusivement réservées aux enfants vivant avec ce handicap. Tous les apprenants affirment que la surdité n’est pas invalidante et que leur incapacité à entendre les sons ne constitue pas un handicap pour eux. En d’autres termes, le sourd peut aller à l’école et y réussir autant que les non sourds et participer plus tard à une vie professionnelle. Les membres du focus group des enseignants n’ont pas le moindre doute sur la possibilité de scolariser, d’éduquer et de former les sourds afin qu’ils s’insèrent harmonieusement dans la vie socio-professionnelle. En effet, les enseignants, en reconnaissant que les sourds peuvent bien réussir à l’école, indiquent le comportement des pédagogues qu’ils sont, face à un apprenant sourd.

Tous les interviewés sont unanimes, à part le groupe des parents d’élèves, pour déclarer que la scolarisation et l’éducation des enfants souffrant d’un handicap auditif sont possibles

Au cours des entretiens, un enseignant dira en substance que ce dont le sourd a besoin de la part des autres, ce n’est ni la pitié, ni la compassion mais le respect mutuel, la valorisation de son être et des opportunités pertinentes pour apprendre en collaboration avec ses camarades de classe. Ils affirment, en outre qu’ils participent pleinement à des activités parascolaires au même titre que les apprenants entendants.

Seuls les parents, dans leur focus group, ont des impressions différentes par rapport à la scolarisation et l’éducabilité des enfants sourds. Certains d’entre eux (80 %) affirment que les enfants sourds ne peuvent pas être scolarisés comme les enfants « normaux » ; tandis que les 20 % restants sont convaincus que les sourds peuvent être scolarisés, mais seulement dans des écoles spécialisées.

L’approche pédagogique conçue et mise en œuvre par les animateurs du CAEIS/Louho permet-t-elle d’assurer une éducation inclusive et l’épanouissement psychosocial des enfants handicapés auditifs ?

Au cours des entretiens, les gestionnaires du centre ont affirmé que leurs apprenants sont enseignés suivant les programmes d’études en vigueur dans les écoles primaires au Bénin, puisqu’il n’existe pas de programmes officiels conçus spécialement pour ce type d’école. Ils ont cependant souligné que le temps imparti aux différentes matières enseignées est un peu plus allongé compte tenu de la présence des apprenants handicapés auditifs dans les classes. De même, les manuels didactiques utilisés dans le centre sont ceux des autres écoles primaires ordinaires.

Au cours des observations des séquences de classe, les pratiques des enseignants ont été observées. D’abord, le climat dans lequel les cours se déroulent est assez convivial et propice à l’apprentissage. Les deux groupes d’apprenants, sourds et entendants cohabitent et souvent ces derniers partagent le même banc et travaillent en symbiose. Les cours sont dispensés simultanément en français parlé et en langue des signes. Ainsi, lorsque l’enseignant ou un apprenant pose une question en classe, tout élève entendant peut lui répondre en langue des signes tout en verbalisant ce qu’il veut dire pour ses camarades entendants, comme tout élève sourd peut répondre à la question posée ou donner son point de vue en ayant recours au langage des signes que tout le groupe classe décrypte aisément. Un autre constat fait au cours des séquences de classe est que lorsqu’une consigne de travail est donnée par l’enseignant, les apprenants exécutent tous le même geste. En effet, si l’apprenant entendant comprend une instruction donnée par l’enseignant, parfois même en ne regardant pas ce dernier, l’enfant frappé du handicap auditif, lui, est attentif au geste, regarde l’enseignant et réalise la consigne indiquée.

Résultats tangibles obtenus par le CAEIS/Louho

Sur trois années consécutives les résultats au certificat d’études primaires (CEP), qui est l’examen qui sanctionne les six (6) années d’études du cycle primaire, ont été très bons dans l’ensemble, au regard des taux de réussite affichés. On peut affirmer que ces taux sont largement supérieurs aux taux moyens nationaux au cours des années considérées qui étaient respectivement, 39,26 %, 65,22 % et 64,44 %. On remarque aussi que durant ces années, les taux de réussite des malentendants ont été globalement très bons, puisqu’on a eu respectivement 85 %, 80 % et 79 %. Cependant, on n’occultera pas aussi que ces taux sont en baisse.

Difficultés auxquelles sont confrontés les animateurs du centre

Selon les gestionnaires du CAEIS/Louho, les obstacles auxquels ils font face pour la scolarisation de leurs apprenants sont divers. On peut citer le défaut de formation et de qualification des enseignants, l’insuffisance de supervision pédagogique, l’absence de soutien de l’Etat et des autorités locales, le retard de payement des salaires des enseignants et le manque de matériel didactiques adéquat. Les enseignants intervenant dans le centre, n’ont reçu aucune formation initiale pédagogique en matière d’enseignement aux sourds. En effet, ces enseignants n’ont pas pris par une école normale des instituteurs, et n’ont donc pas acquis les dispositions spéciales nécessaires relatives à la langue des signes et intervenir de façon spécifiques auprès des apprenants sourds.

Au cours des entretiens, les gestionnaires du centre ont affirmé que leurs apprenants sont enseignés suivant les programmes d’études en vigueur dans les écoles primaires au Bénin, puisqu’il n’existe pas de programmes officiels conçus spécialement pour ce type d’école

Une autre difficulté rencontrée par les gestionnaires et les enseignants du centre est l’insuffisance, voire l’inexistence de supervision pédagogique de la part des conseillers pédagogiques et des inspecteurs de l’enseignement dans le cadre de la formation de proximité des enseignants. Il faut rappeler que les deux superviseurs pédagogiques (dont l’inspecteur et le conseiller pédagogique de la zone du Réseau d’Animation Pédagogique dont dépend le CAEIS/Louho) du centre sont chargés respectivement du suivi du déroulement des activités d’apprentissage et de la scolarité des élèves du centre et de la formation de proximité, du suivi et de l’évaluation des performances des enseignants. Or les enseignants du CAEIS/Louho ne bénéficient pas d’activités d’encadrement et de suivi (visites d’école, visite de classe, conférences pédagogiques, animation pédagogique organisées deux fois par mois au niveau des Unités Pédagogiques…), du moins pendant les deux années scolaires 2016-2017 et 2017-2018. La raison évoquée par ces cadres du ministère de l’enseignement maternel et primaire (MEMP) est que la scolarisation et l’éducation des sourds sont possibles mais de préférence dans les écoles spécialisées dans ce domaine et exclusivement réservées aux enfants vivant avec ce handicap.

L’absence des supports de l’Etat central et des autorités communales constitue une entrave au développement du CAEIS/Louho selon les gestionnaires du centre. En effet, selon ces derniers, les responsables à divers niveaux dans le pays sont au courant de l’existence du centre et des efforts entrepris dans la scolarisation des sourds. Cependant, ils ne manifestent aucune volonté de les aider face à leurs demandes régulières des ressources humaines, financières et surtout didactiques. Il est à remarquer que la recherche documentaire a montré des rapports et des photos montrant des visites au centre de plusieurs ministres de l’enseignement maternel et du primaire et de celle des affaires sociales, qui ont reconnu le gigantesque et exceptionnel travail qu’abattent les animateurs du centre relativement à la scolarisation des sourds et à leur prise en charge dans la société.

Une autre difficulté rencontrée par les gestionnaires et les enseignants du centre est l’insuffisance, voire l’inexistence de supervision pédagogique de la part des conseillers pédagogiques et des inspecteurs de l’enseignement dans le cadre de la formation de proximité des enseignants

Par ailleurs, cette recherche documentaire a révélé les traces des visites de certaines organisations non gouvernementales (ONG) et autres Fondations qui visitent le centre et leur apportent des aides épisodiques, mais appréciables. Le CAEIS/Louho a développé des partenariats avec des ONG et certaines institutions européennes (Belgique, Allemagne, Pays-Bas et France) et américaines chargées de l’éducation des sourds ; ceci permet, entre autres, des échanges réguliers d’expériences et d’acteurs (enseignants, stagiaires, spécialistes, etc.). Le retard de payement des salaires des enseignants est aussi une autre difficulté dont font face les superviseurs du centre. Le focus group des enseignants a décrit de manière pathétique des faits particuliers relatifs à leur vie professionnelle. Ils ont ainsi souligné que pour diverses raisons (établissement non subventionné par l’Etat, apprenants venant de familles défavorisées n’honorant pas entièrement les frais d’écolage, etc.), leurs émoluments mensuels accusent parfois des retards d’un à plusieurs mois. Ce qui entraine de la part de ces derniers des frustrations et souvent des découragements. Enfin, la dernière difficulté évoquée par les animateurs du CAEIS/Louho est le manque de matériel approprié pour enseigner les apprenants du centre.