Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
Organisation affiliée : Gorée Institute
Site de publication : goreeinstitut.org
Type de publication : Article
Date de publication : 21 février 2022
En 2011, le Bénin s’est doté d’une Charte nationale pour la gouvernance du développement, devenu son référentiel dans les différentes déclinaisons de la gouvernance. L’alternance politique qui a porté au pouvoir le président Patrice Talon a initié plusieurs réformes dont l’une des plus marquantes est la révision de la constitution de 1990. En effet, la constitution de décembre 1990 qui a charrié tous ces acquis a gagné en Afrique le record de longévité, de stabilité et d’intangibilité. Sa modification en novembre 2019 n’a pas été sans grande opposition citoyenne et politique. Les acquis en matière de gouvernance démocratique et politique semble être remis en cause et des voix dissidentes dénoncent d’emblée « les dérives autoritaires » du président.
Démocratie faiblement sensible au genre
Dans son discours d’investiture du 6 avril 2016, le président Patrice Talon avait été clair sur les principes directeurs de sa gouvernance. « la compétence sera désormais le principal critère de promotion des cadres aux postes de responsabilité. (…) c’est la sélection par le mérite et l’observation des valeurs qui font la qualité d’une gouvernance », annonçait-il d’emblée. Autrement dit, sa gouvernance ne donnerait pas une précellence ni à la parité, ni à l’équilibre régionale, ou à une autre considération.
Dans la vie politique, cette profession de foi se reflète au niveau des institutions de la République et du système partisan, par le taux de représentation des femmes dans les postes électifs et nominatifs. Ainsi, dans le quatrième gouvernement du président Talon, 5 femmes ministres sur un total de 24, soit un taux de 21% (plus exactement, 20,83%). Un taux qui est loin de la parité.
Au Bénin, la représentation des femmes est loin d’être satisfaisante si l’on se fonde sur la perception des sondés. En effet, 30,5% des répondants estiment « insuffisante » la présence des femmes au Parlement, tandis que 37,6% considèrent que celle-ci est « passable ».
Tant au niveau national (central) qu’au niveau local, les femmes demeurent grandement sous représentées. Ainsi, sur 77 maires, le Bénin ne compte que 3 femmes, soit moins de 4%. Au niveau des élus locaux, le constat est identique, elles sont 69 femmes sur 1435 élus locaux, soit là aussi moins de 5%.
Le Bénin serait-il une démocratie misogyne ?
Ce tableau d’ensemble peu reluisant ne doit néanmoins pas occulter les efforts gouvernementaux pour se conformer à l’article 26 de la Constitution béninoise, à la Charte d’Equité Hommes / Femmes en politique au Bénin, à l’Agenda 2030 des Nations Unies qui fixe les objectifs de développement durable et à l’Agenda 2063 de l’Union Africaine. La réforme la plus emblématique est celle de la révision de la Constitution de 90 ; laquelle a permis d’intégrer dans l’article 26 de nouvelles mesures en faveur de l’égalité entre les genres. Aux termes de cet article, « L’Etat assure à tous l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale.
Une gouvernance électorale en crise
La gouvernance électorale implique l’organisation d’élections libres, sincères, transparentes et inclusives. Si le Bénin est cité en modèle démocratique en Afrique, il n’est reste pas moins que des efforts importants sont encore à enregistrer notamment en ce qui concerne les processus électoraux inclusifs.
Dans ce domaine, l’opinion des enquêtés oscillent considérablement. En effet, si 20,8% des répondants estiment que les processus électoraux ne sont pas du tout inclusifs et 21% plutôt non inclusifs, ils sont 23,9% à soutenir une opinion inverse en considérant que ceux-ci sont plutôt inclusifs et 11,2% sont d’avis qu’ils sont tout à fait inclusifs.
Dans ce pays, ils sont 25% des répondants à estimer que les processus électoraux ne sont pas du tout libres et transparents et 18,7% à considérer justement qu’ils sont plutôt non libres et transparents.
La gouvernance électorale implique l’organisation d’élections libres, sincères, transparentes et inclusives. Si le Bénin est cité en modèle démocratique en Afrique, il n’est reste pas moins que des efforts importants sont encore à enregistrer notamment en ce qui concerne les processus électoraux inclusifs
Seul véritable enjeu des élections législatives d’avril 2019 qualifiées d’ « exclusives » par l’opposition, le taux de participation (27 %, selon la Cour constitutionnelle) est le plus faible depuis 1990. Elles ont été entachées de violences, de pertes de vie humaine (des manifestants), des coupures d’internet, etc. Cette remise en cause des acquis, démocratiques écorne l’image de la démocratie béninoise citée comme modèle africain et entache la crédibilité de l’Assemblée Nationale.
Un système partisan très contraignant
Le système partisan béninois présente quelques particularités intéressantes. En effet, c’est l’un des rares pays où aucun des leaders de partis politiques candidats aux six scrutins présidentiels organisés depuis 1991 n’a jamais remporté l’élection. En sus, aucun homme issu des partis politiques n’a jamais été appelé à former le gouvernement.
L’alternance politique au Bénin ne signifie pas, comme attendu, l’avènement de nouveaux leaders, encore moins d’une nouvelle classe politique. Le système partisan béninois se serait cartellisé. Les partis politiques, les principaux acteurs dudit système, s’entendent entre eux à travers une « collusion interpartisanne », en dépit de quelques voix discordantes.
Globalement, ils se transforment en des agences intégrées à l’Etat. Ainsi, leurs rapports sont donc moins compétitifs. L’affairisme au sommet de l’Etat contribue à développer une « cordialité partisane » à l’intérieur d’une structure qui les protège.
Le système partisan béninois présente quelques particularités intéressantes. En effet, c’est l’un des rares pays où aucun des leaders de partis politiques candidats aux six scrutins présidentiels organisés depuis 1991 n’a jamais remporté l’élection. En sus, aucun homme issu des partis politiques n’a jamais été appelé à former le gouvernement
Au Bénin, l’enquête révèle globalement une présence molle de l’opposition au sein de l’hémicycle, s’agissant des dernières législatures (exception faite à la présente où l’opposition est absente). En effet, ils sont 58,8% à juger mauvais la présence de l’opposition au Parlement. En réalité, les Béninois tiennent les partis politiques responsables, des « affaires » qui spolient l’Etat.
La mise à l’écart des partis dans la gestion de l’essentiel du pouvoir d’Etat reste une des caractéristiques majeures du système politique béninois. Elle est doublée de la clanisation et de l’ethnicisation des partis et mouvements politiques.
Un Parlement vassalisé par l’exécutif
L’absence d’une vraie opposition au sein de l’hémicycle entraîne, ipso facto, l’absence de contradiction et de force de propositions alternatives parlementaires. L’Assemblée devient de plus en plus une chambre d’enregistrement des initiatives du gouvernement.
La performance des politiques publiques est aussi entamée. Celles-ci ont un très faible impact dans le changement des conditions de vie des citoyens. Au Bénin, 33,2% des sondés estiment que le contrôle du Parlement n’est pas du tout effectif et efficace et 21,7% pensent qu’il est plutôt non effectif.
30,3% des enquêtés soutiennent que le Parlement n’est pas indépendant vis-à-vis de l’exécutif et seulement 12,9% estiment qu’il est tout à fait indépendant. Cette vassalisation du parlement dévoie, dans la pratique, la nature du régime politique consacrée.