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Auteur : Salifou Assouin Saidou
Organisation affiliée : Amnesty international
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2020
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Prudence Amoussou, une femme Béninoise de 37 ans est décédée le 2 mai 2019 des suites d’une balle tirée dans son dos la veille par les forces de l’ordre qui réprimaient des manifestants. Depuis un an, le corps de Prudence est conservé à la morgue du Centre National Hospitalier et Universitaire de Cotonou. Alors que les autorités estiment qu’elle est morte ‘’d’une maladie’’, sa famille demande l’ouverture d’une enquête judiciaire indépendante et impartiale, incluant une autopsie déterminant les causes réelles du décès. Son mari raconte leur parcours du combattant pour que justice soit rendue à son épouse et mère de ses enfants.
Le coup de fil n’a duré qu’une fraction de seconde. A Parakou où je me trouve en ce deuxième jour du mois de mai 2019, le sol se dérobe sous mes pieds. La nouvelle qui m’est venue de Cotonou m’a arraché une partie de de moi. Le solide ciment qui me lie à la vie s’est effondré. Mon épouse Prudence Amoussou est décédée des suites de ses blessures par balle.
Notre malheur a commencé le 1er mai, deux jours après les élections législatives avec des manifestations dans plusieurs villes du Bénin, dont la capitale Cotonou et certains de ses quartiers.
Cadjehoun est l’un deux. En ce 1er mai 2019, ce quartier où mon épouse tient son petit commerce de nourriture était le théâtre d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Prudence cherchait sa fille ainée qu’elle avait envoyé pour vérifier si la situation était assez calme pour qu’elle puisse reprendre son commerce lorsqu’elle a été touchée par balle dans le dos. Blessée, elle meurt le lendemain à l’hôpital, laissant un bébé de cinq mois et six autres enfants.
Pour Salifou, leur parcours du combattant est couplé à une interminable et angoissante attente.Pour nos enfants, la famille de Prudence et moi, sa mort est un véritable choc. Notre tristessest immense et depuis un an nous vivons l’interminable et angoissante attente d’un corps qu’à ce jour nous n’avons pas pu inhumer ni offrir une sépulture digne. Une terrible situation qui ne fait que rajouter à notre douleur.
Ce n’est pas parce que nous ne voulions pas l’enterrer. Mais les blocages et obstacles se sont multipliés depuis son décès. Nous avons tapé à toutes les portes entre mai et début août 2019, sans succès. Un véritable parcours du combattant.
Le 6 août 2019, les responsables de l’hôpital nous ont enfin demandé de venir récupérer le certificat de décès et le corps. Mais, la mention d’un décès ‘’suite à une maladie’’ sur le certificat établi par le Centre national hospitalier universitaire (CHNU) Hubert Maga de Cotonou nous a complètement anéantis. Mon épouse ne souffrait d’aucune maladie avant les événements du 1er mai.
A notre douleur, allait s’ajouter un déni de justice. Pour porter le combat dans notre quête de justice, nous sommes montés au front, soutenus par plusieurs organisations dont Amnesty International. Première bataille : faire rétablir la vérité sur les causes du décès.
écrit Salifou
A notre douleur, allait s’ajouter un déni de justice. Pour porter le combat dans notre quête de justice, nous sommes montés au front, soutenus par plusieurs organisations dont Amnesty International. Première bataille : faire rétablir la vérité sur les causes du décès.
Nous avons sollicité un certificat de cause de décès, sans succès. Après au moins neuf demandes, y compris celle formulée par le père de Prudence, nous avons pris la douloureuse décision de ne pas récupérer le corps tant qu’une autopsie ne serait pas faite et que les véritables causes du décès révélées.
Etant donné que je suis basé à Parakou, depuis la mort de Prudence, sa grande sœur à Cotonou a récupéré nos enfants. A chaque fois que je m’y rends pour les voir, ils me parlent sans cesse de leur mère dont la mort a laissé un grand vide dans nos vies.
Une semaine plus tard, le Parlement béninois votait la loi « d’amnistie pour les faits criminels » commis lors de ces violences post- électorales. En vertu de cette loi, demander justice pour Prudence et faire connaître la vérité sur sa mort semble désormais encore plus difficile, mais pas impossible. Nous sommes encore debout. Cela fait un an que le corps de mon épouse est à la morgue, un an que je souffre avec nos enfants et sa famille, mais nous restons toujours engagés et mobilisés pour que sa mort ne reste pas impunie
Ma souffrance augmente à chaque fois que je revois notre fille qui avait cinq mois quand sa mère est morte. Une autre sœur de Prudence qui avait un enfant du même âge l’a allaitée.
La mort de Prudence a changé beaucoup de choses dans notre vie et celle de sa famille. Prudence prenait soin de tous y compris de son propre père âgé. Ce qui lui est arrivé nous fait encore mal aujourd’hui. Dans ma tête, résonne encore ses mots à l’endroit de sa fille aînée.
Une semaine plus tard, le Parlement béninois votait la loi « d’amnistie pour les faits criminels » commis lors de ces violences post- électorales. En vertu de cette loi, demander justice pour Prudence et faire connaître la vérité sur sa mort semble désormais encore plus difficile, mais pas impossible. Nous sommes encore debout. Cela fait un an que le corps de mon épouse est à la morgue, un an que je souffre avec nos enfants et sa famille, mais nous restons toujours engagés et mobilisés pour que sa mort ne reste pas impunie.
Des milliers de personnes au Bénin et ailleurs dans le monde se joignent à notre famille pour renouveler la demande de justice pour Prudence, car il ne nous sera pas possible de faire notre deuil tant que les auteurs de sa mort ne seront pas poursuivis.
Passer un an sans pouvoir voir le corps de ma femme, ni le récupérer pour organiser ses funérailles, sans recevoir un certificat attestant des circonstances réelles de sa mort, et sans que justice soit rendue, nous a plongés dans une détresse immense.
Il faut non seulement que justice et réparation nous soient rendues pour le décès de Prudence, mais aussi que le monde en soit témoin.